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03 Juil 2020

Sélection SOQUIJ – Droit de la famille — 20768, 2020 QCCS 1803

Par SOQUIJ, Intelligence juridique

FAMILLE : En cette période de pandémie, la mère aurait dû recourir aux tribunaux pour faire valoir ses inquiétudes quant aux droits d’accès du père et non retenir son fils unilatéralement et intenter des procédures uniquement après l’introduction en urgence par le père d’une demande en habeas corpus.

2020EXP-1534

Intitulé : Droit de la famille — 20768, 2020 QCCS 1803
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Montréal
Décision de : Juge Claude Dallaire
Date : 29 avril 2020
Références : SOQUIJ AZ-51690503, 2020EXP-1534 (15 pages)

Résumé

FAMILLE — garde
d’enfant — habeas corpus — droit d’accès — exercice —
non-respect d’une ordonnance de garde — pandémie — coronavirus — COVID-19 —
état d’urgence sanitaire — nécessité de s’adresser au tribunal — choix
unilatéral du parent gardien — abus de procédure — dommages-intérêts.
PROCÉDURE CIVILE —
frais de justice (dépens) — matière familiale — abus de procédure — non-respect
d’une ordonnance de garde — pandémie — coronavirus — COVID-19 — état d’urgence
sanitaire — nécessité de s’adresser au tribunal — choix unilatéral du parent
gardien — dommages-intérêts.
PROCÉDURE CIVILE —
pouvoir des tribunaux de sanctionner les abus de procédure (NCPC) — matière
familiale — non-respect d’une ordonnance de garde — pandémie — coronavirus —
COVID-19 — état d’urgence sanitaire — nécessité de s’adresser au tribunal —
choix unilatéral du parent gardien — dommages-intérêts.
Demande en habeas corpus et
en déclaration d’abus. Accueillie en partie. Demande d’ordonnance de
sauvegarde. Rejetée.
Les parties ont un fils de 6 ans
qui souffre d’asthme grave depuis sa naissance. La mère exerce la garde
exclusive de l’enfant et le père bénéficie de droits d’accès. Dans le contexte
de la pandémie liée à la COVID-19, alors que le père a dû se placer en confinement
après être allé à l’extérieur du pays aux fins de son travail, la mère a décidé
d’emmener X avec elle à la campagne, avec l’accord de ce dernier, durant sa
période de garde. Or, une fois la période de confinement terminée et malgré un
test de dépistage négatif, la mère a décidé unilatéralement de garder l’enfant
avec elle et de n’autoriser des accès que par des voies technologiques jusqu’à
la fin de la pandémie. Elle a aussi refusé de transmettre au père l’adresse où
elle se trouvait avec leur fils. Le père a présenté une demande en habeas
corpus
, faisant valoir que la mère détenait X sans droit. Il n’accepte pas
que celle-ci utilise la pandémie comme prétexte pour se faire justice et
décider seule de ce qui est dans l’intérêt supérieur de leur fils et qu’elle le
place devant le fait accompli. Quelques jours après avoir reçu cette demande,
la mère a introduit une demande en modification des droits d’accès visant à
faire remplacer ceux-ci par des contacts virtuels. Le père prétend par ailleurs
que la mère a adopté une conduite qui justifie une déclaration d’abus ainsi que
l’attribution de dommages-intérêts puisqu’elle l’a forcé à prendre les devants
pour soumettre leur différend à la Cour avant de déposer sa propre demande de
modification du jugement portant sur la garde et les droits d’accès.

Décision
Dans le contexte de la pandémie, compte tenu du profil de santé de X et de la
manière dont le virus évolue dans la ville où réside le père, on ne peut
reprocher à la mère de se préoccuper de la santé de son fils. Or, bien que
diverses circonstances soient pertinentes relativement au débat, force est de
constater que la mère n’a pas jugé bon de soumettre un tel débat à un juge
avant d’imposer sa décision de garder X avec elle, décision qui ne lui revenait
pas. En effet, au Québec, depuis le mois de mars, la jurisprudence est unanime
et claire: la COVID-19 n’est pas un prétexte fondant un parent à se faire
justice dans un contexte de garde d’enfants. Ce virus ne dispense aucun parent
de l’obligation de s’adresser aux tribunaux lorsqu’il a des inquiétudes en lien
avec la santé de ses enfants et qu’il pense que des modifications aux accès
devraient être confirmées par un jugement. Or, la mère a attendu que le père
introduise des procédures en urgence pour faire ce qu’elle aurait dû faire
plusieurs semaines auparavant, soit signifier elle-même une procédure au motif
que, selon elle, la pandémie actuelle pouvait avoir des effets néfastes sur la
santé de X dans l’hypothèse où il serait confié à la garde de son père. La
façon de faire de la mère était tout à fait inacceptable. Son avocate a
toutefois eu raison de souligner que la jurisprudence provenant des différentes
provinces ainsi que certaines décisions invoquées par le père devaient être
analysées en mettant leur contexte factuel en perspective. Elle a aussi eu
raison de formuler une mise en garde contre la tentation d’appliquer les
décisions rendues à la lettre lorsque les faits y ayant donné lieu s’étaient
déroulés dans la province de Québec. En effet, la situation n’est pas
nécessairement la même d’une province à l’autre en ce qui a trait à la
propagation des cas de COVID-19. Ainsi, si le milieu de vie de l’enfant est
moins contaminé qu’un autre, cela est certes l’une des circonstances dont il
faut tenir compte. Cela dit, les principes énoncés demeurent pertinents et
applicables quant au fait que la crise sanitaire actuelle n’est pas un prétexte
justifiant qu’un parent se fasse justice en décidant unilatéralement de retenir
un enfant chez lui parce qu’il entretient des craintes relativement à la santé
de celui-ci.

En l’espèce, bien que le père demeure dans une ville se trouvant dans
l’épicentre de l’éclosion de la COVID-19 au Québec, cela ne justifie pas
nécessairement qu’il soit privé des accès à son fils. Malgré ses bonnes
intentions, la mère a choisi un moyen illégal pour protéger la santé de son
fils. En outre, cet enfant a déjà subi suffisamment de perturbations en lien
avec la pandémie et ne devrait pas être en plus privé de contacts physiques
avec son père.

Enfin, le père a raison de réclamer des dommages-intérêts. La mère, en retenant
l’enfant et en attendant que le père fasse les premiers pas sur le plan
judiciaire, a agi de façon préméditée et inacceptable. Sa gestion des
procédures doit être qualifiée d’abusive, en vertu tant de l’article 51 que de
l’article 342 du Code de procédure civile. Il faut néanmoins tenir
compte du fait que le père aurait engagé des frais qui n’auraient pu être
remboursés, à moins de prouver un abus, s’il avait dû se défendre à l’encontre
d’une demande présentée en temps opportun par la mère. Cette dernière est donc
condamnée à payer 2 500 $.

Le
texte intégral de la décision est disponible ici

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