La pandémie de la COVID-19 et le retour à l’école : Qu’en est-il ? Un survol des jugements récents de la Cour Supérieure
Par Isabelle Filion, avocate
Isabelle Filion, avocate
Voici quelques décisions rendues par la Cour
supérieure du Québec suite à l’annonce de la réouverture des écoles primaires pour
vous aider à mieux conseiller vos clients durant cette période de crise
sanitaire. Nous en citons les extraits qui nous apparaissent les plus
pertinents.
Quelques décisions importantes
Droit de la famille — 20639, 2020 QCCS 1460
[1] Les
parties exercent la garde partagée de leurs enfants X (8 ans) et Y (7 ans)[1].
[2] Depuis
l’annonce du Gouvernement du Québec, en date du 27 avril dernier, de rouvrir,
sur une base facultative, les écoles primaires à compter du 11 mai 2020, les
parties diffèrent d’opinion au sujet de l’opportunité de retourner les enfants
à l’école dans le contexte de la pandémie liée à l’éclosion de
la Covid-19.
[5] Dans
le contexte particulier de la présente affaire, la position de Monsieur est
retenue et les enfants retourneront à l’école dès le 11 mai 2020, à moins de
nouvelles directives gouvernementales à l’effet contraire.
[…]
[7] Premièrement,
il n’appartient pas aux tribunaux, mais plutôt aux autorités
gouvernementales compétentes, d’évaluer les risques potentiels de contamination
de la population en situation de pandémie et de prendre les mesures qui
s’imposent pour limiter la propagation d’un virus.
[…]
[9] Lorsque
le gouvernement décide de lever partiellement les mesures de confinement liées
à la Covid-19 afin de permettre, entre autres, la reprise des activités
académiques au niveau primaire, il n’y a pas lieu pour le Tribunal de remettre
en question cette décision, à moins que l’une ou l’autre des parties
démontre, par une preuve prépondérante, qu’il serait contraire aux intérêts
particuliers de leurs enfants de recommencer à fréquenter l’école, en raison,
par exemple, de leur état de santé.
[…]
Deuxièmement, il convient de rappeler que les décisions
concernant un enfant doivent être prises dans son intérêt et le respect de ses
droits (article 33 C.c.Q.), et non dans le seul intérêt de ses parents.
[12] Or,
en vertu des articles 1 et 14 de la Loi sur l’instruction publique[4], chaque enfant qui réside au Québec a non seulement le droit de recevoir
des services éducatifs[5],
mais il a aussi l’obligation de fréquenter une école[6],
et ce, à compter du premier jour du calendrier scolaire de l’année scolaire
suivant celle où il a atteint l’âge de 6 ans jusqu’au dernier jour du
calendrier scolaire de l’année scolaire au cours de laquelle il atteint l’âge
de 16 ans[7].
[…]
[17] Quand les deux parents jugent, d’un commun accord[10],
qu’il est plus approprié pour leur enfant de poursuivre sa scolarisation à la
maison (tout en bénéficiant d’un encadrement pédagogique à distance), ils
doivent prendre les moyens qui s’imposent pour y parvenir.
[18] Si un des parents ne peut, dans un contexte de garde
partagée, offrir à son enfant un enseignement à domicile pour des motifs
acceptables et raisonnables, il n’y a pas lieu de priver l’enfant de son droit
de fréquenter son école lorsqu’il lui est possible de le faire.
[20] Troisièmement,
dans le contexte où les parties reconnaissent que les deux enfants ont
des difficultés d’apprentissage, il serait même contraire à leur intérêt
respectif de ne pas fréquenter l’école jusqu’en septembre prochain.
[…]
[22] Si
les enfants étaient déjà en situation d’échec avant la pandémie, et ce, en
dépit des plans d’intervention scolaires mis en place par l’école, le Tribunal
ne voit pas comment l’enseignement que Madame leur donnerait à domicile
pourrait leur venir en aide, surtout qu’elle n’a pas de formation en
enseignement.
[23] Quatrièmement,
il est peu probable que la situation qui prévaut actuellement soit très
différente en septembre prochain.
[…]
POUR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL :
[26] ORDONNE que
les enfants X et Y recommencent à fréquenter l’École A à compter du 11 mai
2020, à moins de nouvelles directives gouvernementales à l’effet contraire;
(Nos
soulignements)
Droit de la famille — 20641, 2020 QCCS 1462
[1] Les
parties exercent la garde partagée de leurs enfants X (11 ans) et Y (9 ans)[1].
[2] Depuis
l’annonce du Gouvernement du Québec, en date du 27 avril dernier, de rouvrir,
sur une base facultative, les écoles primaires à compter du 11 mai 2020, les
parties diffèrent d’opinion au sujet de l’opportunité de retourner les enfants
à l’école dans le contexte de la pandémie liée à l’éclosion de
la Covid-19.
[3] D’un
côté, Madame souhaite que les enfants retournent à l’école en raison du fait
qu’ils auraient des besoins qui ne peuvent actuellement être comblés en les
maintenant confinés dans les milieux parentaux. Étant travailleuse dans les
services prioritaires depuis le début de la pandémie, elle n’est pas en mesure
d’offrir un encadrement scolaire aux enfants durant son temps de garde.
[…]
[6] Dans
le contexte particulier de la présente affaire, la position de Madame est
retenue et les enfants retourneront à l’école dès le 11 mai 2020, à moins de
nouvelles directives gouvernementales à l’effet contraire.
[…]
[8] Premièrement,
il n’appartient pas aux tribunaux, mais plutôt aux autorités
gouvernementales compétentes, d’évaluer les risques potentiels de contamination
de la population en situation de pandémie et de prendre les mesures qui
s’imposent pour limiter la propagation d’un virus.
[…]
[10] Lorsque
le gouvernement décide de lever partiellement les mesures de confinement liées
à la Covid-19 afin de permettre, entre autres, la reprise des activités
académiques au niveau primaire, il n’y a pas lieu pour le Tribunal de remettre
en question cette décision, à moins que l’une ou l’autre des parties
démontre, par une preuve prépondérante, qu’il serait contraire aux intérêts
particuliers de leurs enfants de recommencer à fréquenter l’école, en raison,
par exemple, de leur état de santé.
[…]
[12] Deuxièmement,
il convient de rappeler que les décisions concernant un enfant doivent
être prises dans son intérêt et le respect de ses droits (article 33 C.c.Q.),
et non dans le seul intérêt de ses parents.
[13] Or,
en vertu des articles 1 et 14 de la Loi sur l’instruction publique[3], chaque enfant qui réside au Québec a non seulement le droit de
recevoir des services éducatifs[4], mais il a aussi l’obligation de
fréquenter une école[5], et ce, à compter du premier jour du calendrier
scolaire de l’année scolaire suivant celle où il a atteint l’âge de 6 ans
jusqu’au dernier jour du calendrier scolaire de l’année scolaire au cours de
laquelle il atteint l’âge de 16 ans[6].
[…]
[18] Quand les deux parents jugent, d’un
commun accord[9], qu’il est plus approprié pour leur enfant de
poursuivre sa scolarisation à la maison (tout en bénéficiant d’un encadrement
pédagogique à distance), ils doivent prendre les moyens qui s’imposent pour y
parvenir.
[19] Si un des parents ne peut, dans un contexte de
garde partagée, offrir à son enfant un enseignement à domicile pour des motifs
acceptables et raisonnables, il n’y a pas lieu de priver l’enfant de son droit
de fréquenter son école lorsqu’il lui est possible de le faire.
[…]
[21] Troisièmement,
dans le contexte où X demande à retourner à l’école, il serait même contraire
aux intérêts de celle-ci de ne pas fréquenter l’école jusqu’en septembre
prochain alors qu’elle souhaite parfaire ses connaissances dans certaines
matières où elle éprouve des difficultés.
[22] Elle
aura bientôt 12 ans et sa demande n’est absolument pas déraisonnable, surtout
si elle est anxieuse en vue de débuter ses études secondaires.
[…]
[27] Quatrièmement,
il est peu probable que la situation qui prévaut actuellement soit très
différente en septembre prochain.
[28] Dès
lors, bien que la façon d’enseigner avec des mesures de distanciation sociale
puisse fort probablement être très différente de ce qui se faisait avant, il
n’y a pas de raison de ne pas faire confiance au personnel enseignant et aux
institutions scolaires.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[29] ORDONNE que
les enfants X et Y recommencent à fréquenter l’école A à
compter du 11 mai 2020, à moins de nouvelles directives gouvernementales à
l’effet contraire;
(Nos soulignements)
Droit de la famille — 20671, 2020 QCCS 1536
[1] Le
Tribunal est saisi d’une demande de sauvegarde parce que la mère de X souhaite
que son enfant retourne en classe dès aujourd’hui.
[…]
[2] Les
parties sont les parents d’une jeune fille, âgée de huit ans. Ils exercent une
garde partagée de l’enfant selon des modalités 60 / 40 en faveur de
la mère, tel qu’établi dans une convention signée et entérinée par la Cour le
13 mars 2020.
[3] La
lecture de cette convention nous apprend que la garde de X est confiée à sa
mère, tous les jours de la semaine, lorsqu’il y a de l’école. Le père à ce
moment bénéficie de droits d’accès d’une fin de semaine sur deux. Toutefois,
depuis le confinement décrété par le gouvernement le 14 mars dernier, X passe
une semaine avec son père et une semaine avec sa mère, la fréquentation
scolaire ayant été suspendue.
[4] Le
8 mai 2020, le père présente à la Cour une demande où il explique s’opposer au
retour en classe de X comme pour une multitude d’élèves du niveau primaire de
la région A.
[5] Selon
lui, le projet de la mère doit être repoussé puisque le retour à l’école de sa
fille présenterait un risque pour la santé de sa nouvelle conjointe. Il
explique en effet dans une déclaration assermentée que celle-ci est
immunosupprimée puisqu’elle souffre de sclérose en plaques.
[6] Il
y avait aussi du danger de contamination pour sa fille cadette puisque celle-ci
souffre de trisomie et que les médecins ne sont pas en mesure de savoir quel
risque présente la COVID-19 pour elle alors qu’elle a été hospitalisée à trois
reprises dans la dernière année en raison de difficultés respiratoires.
[7] Il
explique que si X fréquente l’école, elle ne pourra revenir chez lui qu’après
avoir été mise en isolement pendant 14 jours.
[…]
[9] La
mère réplique à ces représentations du père dans une déclaration sous serment
où elle explique ce qui suit :
2. X fréquente
actuellement l’école privée A en 2e année du primaire;
3. X éprouve plusieurs
difficultés, et elle est en évaluation pour un Trouble du déficit de
l’attention (TDA);
4. Elle est également en
très grande difficulté scolaire et nécessite un suivi particulier auprès d’une
orthopédagogue de l’école ;
5. Malgré le
confinement et la suspension des activités scolaires pendant la pandémie, X
devait effectuer des activités et exercices scolaires pour éviter un trop grand
retard lors du retour en classe ;
[…]
[10] Le
Tribunal a bien noté que dans la perspective de la réouverture des
établissements scolaires, le gouvernement du Québec a publié un document
intitulé « Questions et réponses sur l’éducation et la famille »
ainsi qu’une page d’information sur la décision à être prise par les parents
quant à la fréquentation scolaire en temps de pandémie. On y apprend que le
retour en classe se fait sur une base volontaire. Les parents doivent décider
ensemble du retour ou non d’un enfant à l’école;
[11] Cet
exercice de l’autorité parentale doit prendre en compte l’intérêt de l’enfant
comme l’exprime l’article 33 du Code civil du Québec qui
prévoit ce qui suit :
33. Les décisions concernant
l’enfant doivent être prises dans son intérêt et dans le respect de ses droits.
Sont pris en considération, outre les besoins moraux, intellectuels, affectifs
et physiques de l’enfant, son âge, sa santé, son caractère, son milieu familial
et les autres aspects de sa situation.
[12] Par
ailleurs, la jurisprudence a établi depuis longtemps que la recherche du
meilleur intérêt de l’enfant doit porter sur ses besoins moraux, intellectuels,
affectifs et physiques, l’âge, l’état de santé, le caractère de l’enfant et son
milieu familial.
[13] Le
Tribunal comprend la situation particulière du père dont la conjointe présente
un état de santé qui pourrait être mis à risque si X devait être en contact
avec elle après avoir fréquenté l’école.
[14] Toutefois,
pour les motifs qui suivent, le Tribunal en vient à la conclusion, comme madame
la juge Lise Bergeron[1] l’a
fait dans une décision récente où elle faisait une analyse de deux jugements de
notre collègue Claude Villeneuve, que X doit retourner à l’école :
– Il
n’est pas contesté que X, une élève en deuxième année du primaire, connaît des
difficultés d’apprentissage et qu’elle serait déjà pratiquement en situation
d’échec;
[…]
– X
est d’ailleurs actuellement en évaluation pour voir si elle ne serait pas
affectée d’un trouble du déficit de l’attention;
– Dans
un tel contexte, il apparaît évident que X a besoin d’un encadrement scolaire
de grande qualité afin de maintenir ou même développer ses acquis et que les
cinq semaines où elle sera à l’école, avec un professeur qui pourra lui
prodiguer ses enseignements, lui seront grandement bénéfiques;
– On
apprend, ce qui est admis, que le père, qui a trois autres enfants à la maison,
a de la difficulté à faire les suivis pédagogiques qui ont été proposés à X au
cours des dernières semaines de pandémie et qu’il y a toutes raisons de croire,
qu’il en sera de même pour les semaines qui s’en viennent, si X ne fréquente
pas l’école;
[…]
[15] Par
ailleurs, bien conscient que X sera privée de la présence de son père et de sa
demi-sœur pour les prochaines semaines, il faut tout de même noter que pendant
les périodes où il y a de l’école, le père a des accès une fin de semaine sur deux.
Ainsi, même en comptant une période de quarantaine de 14 jours à la fin de la
présente année scolaire, il faut bien constater, que le père sera privé de la
présence de sa fille pendant trois fins de semaine alors qu’en contrepartie, X
tirera un très grand bénéfice d’une fréquentation assidue de son école pendant
cinq semaines.
POUR CES MOTIFS, LE
TRIBUNAL :
[16] ORDONNE la
fréquentation scolaire de X à compter du 12 mai 2020;
(Nos soulignements)
Droit de la famille — 20682, 2020 QCCS 1547
Le Tribunal doit se prononcer sur une Demande
de sauvegarde alors que les parties sont en désaccord quant à
l’opportunité du retour en classe de leur enfant X à la suite de la décision du
gouvernement du Québec de rouvrir les écoles à compter du 11 mai 2020.
[…]
[1] Les
parties sont les parents de X, 6 ans, dont ils assument la garde partagée
depuis 2018.
[2] La
mère désire le retour en classe de X le 11 mai prochain.
[3] L’opposition
du père repose essentiellement sur l’état de santé de sa conjointe qui est
atteinte de lupus, une maladie auto-immune. Le retour de X en classe comporte
un risque important pour elle.
[…]
[5] La
fréquentation scolaire obligatoire au Québec[2] a été suspendue le 13 mars dernier en
raison de la pandémie. Cette suspension est levée partiellement à compter du 11
mai prochain dans certaines régions. Seuls les élèves du primaire sont visés et
le retour en classe se fait sur une base volontaire. Ainsi, les parents
décident ensemble du retour ou non de leur enfant à l’école.
[6] La
décision des parties de retourner leur enfant en classe est importante et fait
partie de l’exercice de l’autorité parentale. Cet exercice conjoint doit viser
le meilleur intérêt de l’enfant.
[7] En
cas de désaccord entre les parents, c’est au Tribunal de trancher.
[8] Aux
fins de décider, le Tribunal doit tenir compte des besoins moraux, intellectuels,
affectifs et physiques de X, son âge, sa santé, son caractère, son milieu
familial et les autres aspects de sa situation[3].
[9] […]
le Tribunal retient ce qui suit :
Ø X fréquente la maternelle.
Ø X n’a aucune difficulté scolaire et de
socialisation.
[…]
Décision
[10] X
est un jeune garçon de 6 ans qui fréquente la maternelle.
[11] Il
appert de la preuve au dossier que celui-ci n’a aucun problème académique ou de
socialisation.
[12] La
pandémie a bousculé la vie de X comme celle de plusieurs autres enfants au
Québec.
[13] La
qualité et la stabilité de ses milieux maternel et paternel avec les
beaux-parents et la fratrie sont encore plus importants en ces temps troubles.
[14] Il
est clair qu’il est bénéfique pour un enfant, à moins d’exception, de
fréquenter son milieu scolaire tant au niveau physique, psychologique
qu’intellectuel.
[15] Toutefois,
dans la situation actuelle et exceptionnelle due au coronavirus (COVID 19), la
fréquentation de l’école amènerait X, selon la preuve au dossier, à être coupé
de son père et des activités qu’il fait avec lui pour les six prochaines
semaines en raison de l’état de santé sévère de sa conjointe qui ne peut
prendre un risque plus élevé d’être infectée.
[16] Les
contacts, même quotidiens par un lien technologique ne peuvent être comparables
à la vie quotidienne avec son parent.
[17] X
bénéficie de milieux adéquats et de la présence de parents disponibles qui
travaillent présentement de la maison avant quotidiennement des temps
libres pour lui et pouvant s’assurer d’un certain suivi académique étant
entendu que X est à la maternelle.
[18] Dans
ces circonstances, en tenant compte de l’âge et de la situation particulière de
X, le Tribunal considère que celui-ci récoltera de plus grands bénéfices d’une
relation continue et positive avec chacun de ses parents avec qui il pourra
faire des activités et parfaire son suivi académique en lieu et place de sa
fréquentation scolaire pour les quelques 6 semaines d’ici la fin de l’année
scolaire.
[…]
[23] POUR
CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[24] ORDONNE que
l’enfant des parties, X, ne fréquente pas l’école A à Ville A pour la présente
année scolaire;
Droit de la famille — 20683, 2020 QCCS 1548
[1] Le
Tribunal doit se prononcer sur une Demande de sauvegarde de la défenderesse
alors que les parties sont en désaccord quant à l’opportunité du retour en
classe de leur enfant X, âgée de 6 ans.
[6] CONSIDÉRANT l’âge
de X.
[…]
[8] CONSIDÉRANT que
le retour en classe proposé par le gouvernement le 11 mai prochain se fait sur
une base volontaire.
[9] CONSIDÉRANT que
la décision de retourner ou non X à l’école découle de l’exercice de l’autorité
parentale et doit être prise dans le meilleur intérêt de l’enfant.
[…]
[11] CONSIDÉRANT que
X n’est pas en situation d’échec scolaire.
[12] CONSIDÉRANT que
la mère fait un suivi académique à la maison avec X depuis que le matériel est
disponible pendant sa période de garde.
[13] CONSIDÉRANT que
le défendeur reconnaît que l’état médical de la mère implique des risques plus
élevés pour sa santé si elle contractait la COVID 19.
[14] CONSIDÉRANT qu’il
est dans l’intérêt de X que sa mère demeure en santé malgré sa condition
médicale.
[15] CONSIDÉRANT qu’il
ne reste que 6 semaines à la présente année scolaire.
[16] CONSIDÉRANT que
le demandeur travaille à temps plein et que la défenderesse est en arrêt de
travail en raison de la pandémie.
[…]
[18] POUR
CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[19] ORDONNE que
X ne fréquente pas l’établissement scolaire A à Ville A pour la présente année
scolaire se terminant en juin 2020 ;
(Nos soulignements)
Droit de la famille — 20684, 2020 QCCS 1549
[1] Dans
le contexte créé par la pandémie de Covid-19, les parties, à défaut d’être en
mesure de convenir d’une décision commune pour le retour en classe de leur
enfant X, soumettent leur différend au Tribunal.
Contexte
[2] Les
parties sont les parents de deux enfants : Y, 14 ans, qui fréquente
l’école secondaire, et X, 12 ans, actuellement en 6e année du
primaire.
[3] Séparées,
elles exercent une garde partagée à raison d’une semaine, une semaine avec
échange le vendredi.
[4] Le
gouvernement du Québec a décrété qu’à partir du 11 mai 2020, il y aurait une
réouverture progressive des établissements préscolaires et primaires dans
l’ensemble des régions du Québec, à l’exception de ceux du territoire de la
communauté métropolitaine de Montréal, qui ouvriront le 25 mai prochain.
[5] Toutefois,
ce retour en classe n’est pas obligatoire et ainsi, fait appel à une décision
des parents.
[6] Cette
décision découle de l’autorité parentale que doivent exercer les parents à
l’égard de leurs enfants.
[7] Lorsque
des parents n’arrivent pas à s’entendre dans l’exercice de cette autorité, ils
soumettent la difficulté au Tribunal[1].
● ● ●
[8] Pour
sa part, le Tribunal, dans toutes les décisions qui concernent un enfant, doit
rendre jugement en fonction du meilleur intérêt de celui-ci.
[9] Chaque
cas doit être étudié et le jugement prononcé en fonction des faits particuliers
à l’instance, selon ce qui caractérise l’enfant visé.
[10] Son
âge, sa situation de santé, ses besoins moraux, intellectuels et éducatifs, son
caractère, son milieu familial et les autres aspects de sa situation doivent
être pris en considération[2].
Position des parties
[11] Alors
que madame est d’avis que X doit retourner en classe, monsieur pense que
celui-ci doit poursuivre son cheminement éducatif à la maison.
[12] Madame
soutient que X a des difficultés scolaires importantes.
[13] Outre
ses résultats scolaires, qui reflètent ses difficultés et montrent même une
situation d’échec, un plan d’intervention a été mis en place à l’école pour
favoriser l’apprentissage avec des outils technologiques ainsi qu’un
accompagnement particularisé par l’enseignante[3].
[…]
[17] De
son côté, monsieur, camionneur, est pour l’instant en arrêt de travail. Son
retour au travail est prévu le 8 juin prochain.
[18] C’est
la mère de monsieur, âgée de 72 ans, qui assurerait alors la surveillance des
enfants.
[19] D’ailleurs,
et c’est l’un des principaux motifs de monsieur, ce dernier soumet que X ne pourrait
avoir de contacts avec sa grand-mère, qui occupe un appartement au-dessus du
sien, non plus que lui-même, si X retournait à l’école[4].
[…]
Analyse et décision
[24] Dans
deux jugements prononcés dans le contexte de cette réouverture progressive des
établissements scolaires[7], notre collègue le juge Claude Villeneuve fait
état d’un certain nombre d’éléments en lien avec la pandémie et les arrêtés et
décrets adoptés.
[25] De
la lecture de ces affaires, le Tribunal retient les éléments suivants :
· Il
n’appartient pas aux tribunaux, mais aux autorités gouvernementales
compétentes, d’évaluer les risques potentiels de contamination;
· La Loi
sur l’instruction publique donne le droit à chaque enfant de
recevoir les services éducatifs, mais instaure
également l’obligation de fréquentation scolaire de 6 ans à 16 ans;
· Les
parents doivent prendre les moyens nécessaires pour que les enfants remplissent
leur obligation de fréquentation scolaire;
· Le
gouvernement n’a pas rendu obligatoire le retour en classe.
[26] Dans
le cas de X, les parties conviennent que leur fils a des difficultés
d’apprentissage.
[27] Celui-ci
n’a pas de condition de santé qui ferait de lui un enfant plus à risque.
[28] Toutefois,
la situation de difficulté scolaire de X fait en sorte qu’il a des défis
importants à relever, ce qui exige aussi l’implication des parents.
[…]
[30] Comme
le souligne madame dans sa demande et tel qu’il apparait des communications de
l’école, le Ministère de l’Éducation préconise le retour en classe pour les
enfants présentant des retards ou difficultés scolaires[9].
[…]
[33] Alors
que X fait partie des élèves qui doivent être priorisés, il est clair pour le
Tribunal que dans son intérêt, il est préférable que celui-ci puisse bénéficier
de l’encadrement d’un professionnel de l’enseignement pour faire face à ses
difficultés d’apprentissage et qu’il puisse avoir accès aux outils adaptés pour
lui qui seront à sa disposition par ce retour en classe.
[34] Finalement,
il se peut que cela ait pour conséquence que X doive se priver de contacts avec
sa grand-mère, de même que son père dans le contexte de la pandémie actuelle.
[35] Mais
à cette mesure on doit prioriser l’intérêt de X.
[36] Ainsi,
le Tribunal ne voit pas l’intérêt de l’enfant d’être privé d’une opportunité de
maintenir, voire peut-être améliorer ses acquis en bénéficiant d’enseignement
et d’accompagnement scolaire par des professionnels dans ce secteur, et ce, en
vue d’obtenir le soutien scolaire le plus optimal possible.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[37] ORDONNE que
l’enfant X fréquente un établissement scolaire à temps plein à compter du 11
mai 2020, à moins de nouvelles directives gouvernementales reportant cette
date;
(Nos soulignements)
Conclusion
De ces décisions, nous constatons que bien que le retour en classe ne
soit pas obligatoire, le Tribunal interprète le meilleur intérêt de l’enfant
comme favorisant un retour à l’école. Aussi, la présence de difficultés
scolaires chez l’enfant est prise en considération par le Tribunal lors de son
analyse et favorise un retour en classe de l’enfant. Ainsi, à moins de
circonstances particulières, comme l’état de santé d’un parent ou du
conjoint(e) d’un parent, les Tribunaux ont ordonné le retour des enfants à
l’école.
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