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14 Août 2020

Sélection SOQUIJ – Poulin c. Ville de Rosemère, 2020 QCCS 2010

Par SOQUIJ, Intelligence juridique

PÉNAL (DROIT) : Le
conducteur d’un véhicule routier qui fait usage d’un téléphone cellulaire pour
parler ou tenir une conversation, sans le manipuler de quelque façon que ce
soit et sans faire usage d’un écran, peut le faire en utilisant la fonction haut-parleur
à titre de dispositif mains libres; dans ce cas, l’appareil n’a pas à être
placé sur un support, amovible ou non, fixé au véhicule, car aucun écran n’est
utilisé, pourvu que le conducteur ne tienne pas l’appareil «en main, ou d’une
autre manière».

 

 

 

Intitulé : Poulin c. Ville de Rosemère, 2020 QCCS 2010 

Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Terrebonne (Saint-Jérôme)                                  

Décision de : Juge Mario Longpré                                                                                      

Date : 3 juillet 2020 

Références : SOQUIJ AZ-51693042, 2020EXP-1845 (17 pages)

 

Résumé

PÉNAL (DROIT) —
infraction — infractions routières — infractions au Code de la sécurité
routière
 — distractions au volant — faire usage d’un téléphone
cellulaire ou de tout autre appareil portatif — téléphone cellulaire —
déclaration de culpabilité — appel — écran d’affichage — actionner une commande
de l’écran — interprétation des articles 443.1 et 443.7 du Code de la
sécurité routière
 — modification législative — intention du
législateur — Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d’autres
dispositions
 — interprétation de «faire usage», de «dispositif mains
libres» et de «stationné» — téléphone tenu par le passager — haut-parleur —
lave-auto — véhicule immobilisé — présomption — élément de l’infraction —
exception — fardeau de la preuve — norme d’intervention — déférence —
appréciation de la preuve — versions contradictoires — crédibilité — erreur de
droit — erreur non déterminante — revue de la jurisprudence.

INTERPRÉTATION DES
LOIS — méthode d’interprétation moderne — sens ordinaire des mots — intention
du législateur — modification législative — articles 443.1 et 443.7 du Code
de la sécurité routière
.

Appel d’une déclaration de
culpabilité. Rejeté.

L’appelant a été déclaré coupable
d’avoir fait usage d’un téléphone cellulaire en conduisant, ce qui contrevient à
l’article 443.1 du Code de la sécurité routière. Il a été observé
par un policier alors qu’il circulait dans le stationnement d’une
station-service, où il a fait un plein d’essence, puis lorsqu’il était au
volant de son véhicule dans un lave-auto. Selon le policier, l’appelant tenait
son téléphone cellulaire à la main lorsqu’il est entré dans le stationnement.
Ce dernier fait plutôt valoir qu’il a remis le téléphone à la passagère afin
qu’elle tienne l’appareil et qu’il puisse converser à l’aide de la fonction
haut-parleur. À l’intérieur du lave-auto, il a repris le téléphone et, selon le
policier, il l’avait toujours à la main lorsqu’il en est sorti.

Le juge de première instance a déterminé que l’usage d’un téléphone cellulaire
dont la fonction haut-parleur est activée ne constituait pas l’utilisation d’un
dispositif mains libres et, en ce qui a trait à l’utilisation du téléphone
cellulaire à l’intérieur du lave-auto, que l’appelant ne pouvait bénéficier de
l’exception prévue pour un conducteur qui est «stationné», car son véhicule
était simplement immobilisé et non pas «stationné».

 

Décision
L’article 443.1 du Code de la sécurité routière interdit tout
usage d’un appareil ayant une fonction téléphonique ou d’un écran d’affichage,
ou des deux à la fois, sous réserve d’exceptions. La première exception, prévue
au paragraphe 1, vise l’utilisation de la fonction téléphonique d’un appareil
à l’aide d’un dispositif mains libres. La seconde exception, prévue au
paragraphe 2, a trait à la consultation d’un écran ou son utilisation. Il
en découle que le conducteur qui fait usage à la fois de la fonction
téléphonique d’un appareil et de l’écran de celui-ci ou d’un autre écran (ou la
simple consultation d’un écran qui constitue une forme d’usage) doit respecter
les conditions propres aux 2 exceptions précédentes. Le deuxième alinéa de
l’article 443.1 crée une présomption réfragable selon laquelle le conducteur
d’un véhicule routier ou un cycliste qui tient «en main, ou de toute autre
manière» un appareil portatif est présumé en faire usage. La jurisprudence
antérieure à l’entrée en vigueur de cette nouvelle disposition peut être utile
pour définir ce que signifie «faire usage», mais il faut retenir que la
présomption actuelle est plus large que celle qui s’appliquait quant à
l’infraction qui était prévue à l’ancien article 439.1 du Code de la
sécurité routière
. Ainsi, contrairement à ce que soutient l’appelant, il
est possible de faire usage d’un téléphone cellulaire sans le tenir «en main,
ou de toute autre manière», en parlant ou en tenant une conversation. À
l’inverse, il est aussi possible de «faire usage» d’un téléphone cellulaire ou
d’un autre appareil portatif sans parler ni utiliser la fonction téléphonique.

Le juge de première instance a commis une erreur de droit dans l’interprétation
de l’expression «dispositif mains libres», car un tel dispositif peut être
externe ou interne à un téléphone cellulaire. Il s’est trompé en énonçant que
l’expression «dispositif mains libres» n’était pas définie dans la loi ou dans
un règlement. En effet, la définition se trouve à l’article 211 de la Loi
modifiant le Code de la sécurité routière et d’autres dispositions
, lequel
prévoit en outre des exemptions quant à certains types d’usages ou d’appareils
qui ne sont pas visés par les interdictions prévues à l’article 443.1 du Code
de la sécurité routière
. Ainsi, le conducteur d’un véhicule routier qui
fait usage d’un téléphone cellulaire afin de parler ou de tenir une
conversation, sans le manipuler de quelque façon que ce soit et sans faire
usage d’un écran, peut le faire en utilisant un dispositif mains libres, que
celui-ci soit externe ou interne. Dans ce cas, l’appareil n’a pas à être placé
sur un support, amovible ou non, fixé au véhicule, car aucun écran n’est
utilisé, pourvu que le conducteur ne tienne pas l’appareil «en main, ou d’une
autre manière». Cependant, l’erreur de droit commise par le juge n’est pas déterminante,
puisque les conclusions de ce dernier — selon lesquelles l’appelant avait
commis l’infraction tel que l’a décrit le policier, soit en tenant son
téléphone cellulaire à l’oreille — relèvent de son appréciation de la
preuve et méritent déférence.

Le juge de première instance avait raison de conclure que l’article 443.1
du Code de la sécurité routière est susceptible de s’appliquer
dans le lave-auto où l’appelant a utilisé son téléphone cellulaire. En effet,
il s’agit d’un terrain sur lequel le public est autorisé à circuler, même s’il
s’agit d’un terrain extérieur et qu’un paiement soit exigé avant d’y accéder.
Par ailleurs, le juge n’a pas commis d’erreur en concluant que l’appelant
n’avait pas démontré qu’il était «stationné» dans le lave-auto, selon les
exigences du paragraphe 1 de l’article 443.7 du Code de la
sécurité routière
. En l’espèce, à l’instar d’un automobiliste immobilisé à
un feu rouge, l’appelant avait besoin de toute son attention, notamment pour
suivre les instructions affichées au poste de lavage automatique afin d’être
prêt à avancer sa voiture à la station de séchage et à ensuite sortir du
lave-auto. Au surplus, la preuve révèle qu’il a circulé dans le lave-auto alors
qu’il tenait encore son téléphone cellulaire près de son oreille, ce qui est
suffisant pour établir sa culpabilité.

 

Instance précédente : Juge Jean-Sébastien Brunet, C.M., Terrebonne, 18-56474-7, 2019-03-19,
2019 QCCM 47, SOQUIJ AZ-51578756.

 

Réf. ant : (C.M., 2019-03-19), 2019 QCCM 47, SOQUIJ AZ-51578756, 2019EXP-913.

 

Le texte intégral de la décision est disponible ici

 

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