Sommaire de Cour d’appel – M.D. c. Procureur général du Québec, 2021 QCCA 598
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
SOCIAL (DROIT) : L’appelante a déposé une demande de prestations à titre de victime à la suite de l’assassinat de sa fille et le TAQ a rejeté sa demande; or, il a fait une lecture erronée de l’article 3 a) de la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels et le dossier lui est renvoyé afin qu’il décide de la réclamation de l’appelante en fonction des faits au dossier et du droit applicable.
2021EXP-1277
Intitulé : M.D. c. Procureur général du Québec, 2021 QCCA 598
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Québec
Décision de : Juges Jacques J. Levesque, Geneviève Cotnam et Michel Beaupré
Date : 16 avril 2021
Références : SOQUIJ AZ-51759202, 2021EXP-1277 (12 pages)
Résumé
SOCIAL (DROIT) — sauveteurs et victimes d’actes criminels — indemnisation des victimes d’actes criminels — admissibilité — statut de victime — meurtre de sa fille — agresseur inconnu — interprétation de l’article 3 a) de la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels — appel.
ADMINISTRATIF (DROIT) — actes de l’Administration — Tribunal administratif du Québec — preuve et procédure — preuve — refus du statut de témoin expert — psychologue de l’appelante — justice naturelle — droit d’être entendu — témoignage non nécessaire — diagnostic non contesté.
ADMINISTRATIF (DROIT) — contrôle judiciaire — cas d’application — droit social — divers — Tribunal administratif du Québec — indemnisation des victimes d’actes criminels — admissibilité — statut de victime — meurtre de son enfant — norme de contrôle — décision raisonnable — raisonnement erroné, inintelligible et incohérent.
Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté un pourvoi en contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision du Tribunal administratif du Québec (TAQ). Accueilli.
La fille de l’appelante a été assassinée. L’auteur du crime n’a jamais été identifié. L’appelante, souffrant de problèmes psychologiques, a réclamé une prestation à titre de victime auprès de la Direction de l’indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC). Celle-ci a rejeté sa demande. Le TAQ a confirmé cette décision et il a aussi refusé à la psychologue de l’appelante le statut de témoin expert. La Cour supérieure a rejeté le pourvoi en contrôle judiciaire de l’appelante.
Décision
La Cour supérieure était bien fondée à appliquer la norme de contrôle de la décision raisonnable. Cependant, elle a erré dans son application de cette norme. En effet, la décision du TAQ se fonde sur un raisonnement erroné, inintelligible et incohérent. Ce dernier a fait une lecture erronée de l’article 3 a) de la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels.
Le TAQ a établi, comme élément essentiel pour bénéficier du statut de victime, le fait que «la mort ou la blessure résulte directement ou se produit à l’occasion de la commission de l’acte criminel» (p. 18). Or, la lecture de l’article 3 a) amène plutôt à la conclusion que c’est l’acte ou l’omission d’une autre personne, et non la blessure ou la mort de la victime, qui doit se produire à l’occasion de la perpétration de l’infraction ou en résulter directement. Puisque l’acte ou l’omission doit se produire «à l’occasion» de l’acte criminel ou en résulter directement, il s’ensuit que la blessure ou la mort, elle, doit être survenue «en raison de» l’acte ou de l’omission en question. La lecture erronée de l’article 3 a) par le TAQ l’a amené à conclure qu’il doit exister un lien étroit entre la blessure et la perpétration de l’acte criminel, alors que ce n’est pas ce que l’article prévoit. Le caractère inintelligible de la décision suffit pour conclure qu’elle n’est pas raisonnable.
Par ailleurs, le TAQ a estimé que l’appelante n’est pas une victime puisque l’agresseur de sa fille est inconnu et, donc, que l’on ne peut déduire qu’il avait l’intention de blesser directement et personnellement l’appelante. Or, ce critère, qui rend l’indemnisation tributaire de l’intention de l’agresseur, ne découle pas de la loi et a pour effet d’en restreindre la portée de façon importante. Ce raisonnement ne cadre pas avec le caractère social de la loi. Le TAQ n’a pas davantage expliqué en quoi l’appelante ne se qualifie pas à titre de «victime» en vertu de l’article 3.
Il y a lieu d’infirmer le jugement de la Cour supérieure, d’annuler la décision du TAQ et de lui renvoyer le dossier afin qu’il décide de la réclamation de l’appelante en fonction des faits propres au dossier et du droit applicable.
Enfin, le TAQ n’a pas violé le droit de l’appelante d’être entendue en refusant que sa psychologue bénéficie des privilèges du témoin expert. Il était fondé à conclure que le témoignage de la psychologue n’était pas nécessaire dans la mesure où le diagnostic de l’appelante n’était pas contesté.
Instance précédente : Juge Nathalie Pelletier, C.S., Québec, 200-17-028817-187, 2019-08-26, 2019 QCCS 4727, SOQUIJ AZ-51644258.
Réf. ant : (T.A.Q., 2018-11-28), 2018 QCTAQ 11820, SOQUIJ AZ-51549632, 2019EXP-296; (C.S., 2019-08-26), 2019 QCCS 4727, SOQUIJ AZ-51644258, 2019EXP-3227; (C.A., 2019-10-23), 2019 QCCA 1782, SOQUIJ AZ-51638208.
Commentaires (0)
L’équipe du Blogue vous encourage à partager avec nous et nos lecteurs vos commentaires et impressions afin d’alimenter les discussions sur le Blogue. Par ailleurs, prenez note du fait qu’aucun commentaire ne sera publié avant d’avoir été approuvé par un modérateur et que l’équipe du Blogue se réserve l’entière discrétion de ne pas publier tout commentaire jugé inapproprié.