et
Jennifer Assogba
Articles du même auteur
29 Nov 2021

Dix jugements essentiels en matière de faute disciplinaire

Par Ouafa Younes, avocate et Jennifer Assogba, avocate

Le droit disciplinaire est une branche du droit qui obéit à ses propres règles. Il s’agit en effet d’un droit sui generis[1] s’inspirant à la fois des règles du droit criminel et du droit civil. Chaque profession réglementée au Québec est encadrée par un ensemble de devoirs, d’obligations et de normes de conduite auxquels ses membres doivent se conformer. Tout manquement à un devoir déontologique pourrait constituer une faute disciplinaire, appelée aussi, faute déontologique. Comment la faute disciplinaire se définit-elle et quelles sont ses caractéristiques? Cet article identifie certains jugements essentiels à connaître afin de bien cerner cette notion.

  • La faute déontologique ne repose pas nécessairement sur un texte législatif ou réglementaire précis :

Béliveau c. Comité de discipline du Barreau du Québec, AZ-92011809

Dans cet arrêt essentiel, la Cour d’appel retient que la faute disciplinaire n’est pas une faute criminelle et de ce fait, il n’est pas nécessaire que le texte de l’infraction disciplinaire soit libellé de manière rigoriste comme c’est le cas des fautes de nature pénale :

« (…) le droit disciplinaire est un droit sui generis et que c’est un tort que de vouloir à tout prix y introduire la méthodologie, la rationalisation et l’ensemble des principes du droit pénal. Une plainte devant un comité de discipline n’est pas une procédure criminelle ou quasi criminelle. La faute professionnelle pour sa part n’est pas la faute criminelle. (voir Y. Ouellette,  « L’imprécision des Codes de déontologie professionnelle », (1977) 37 R. du B. 670; P. ISSALYS, « The Professions Tribunal and the Control of Ethical Conduct Among Professionals », (1978) 24 McGill L.J. 588; L. BORGEAT, « La faute disciplinaire sous le Code des professions », (1978) 38 R. du B. 3) et il n’est donc pas nécessaire, à mon avis, que les textes d’infractions disciplinaires soient rédigés avec la précision formaliste et rigoriste des textes de nature pénale. L’article 107 est bel et bien constitutif d’une infraction disciplinaire qui est de poser un acte contraire à l’honneur et la dignité de la profession. Il a été rédigé, par le législateur, de façon à introduire une nécessaire souplesse dans l’appréciation que pourra faire le Comité de discipline (qui, est-il besoin de le rappeler, est un Comité de pairs) de la conduite des membres du Barreau.  Cette souplesse est d’ailleurs indispensable à un contrôle efficace d’une profession qui fait de tous ses membres des auxiliaires de la justice.  Les règles de déontologie, et donc les textes qui indiquent les conduites considérées comme contraire à l’éthique, n’ont pas besoin d’énumérer de façon restrictive toutes et chacune des fautes disciplinaires potentielles (Bolduc c. Roy, (1975) C.A. 505). »

Le texte intégral de la décision est disponible ici.

  • Le manquement à une norme déontologique générale est laissé entièrement à l’appréciation discrétionnaire du conseil de discipline :

Doré c. Barreau du Québec, 2012 CSC 12

Dans cette affaire, la question était de savoir si la conduite d’un avocat constituait une violation de son devoir d’agir avec objectivité, modération et dignité, tel que prévu dans son code de déontologie. Devant l’imprécision de cette norme déontologique, la Cour suprême enseigne que l’évaluation du comportement du professionnel doit être entièrement laissée à l’appréciation discrétionnaire du conseil de discipline :

« [60] Au moment des faits, l’art. 2.03 du Code de déontologie (maintenant l’art. 2.00.01, décret 351-2004, (2004) 136 G.O. II, 1840) portait que « [l]a conduite de l’avocat doit être empreinte d’objectivité, de modération et de dignité ».  Cette disposition, dont la constitutionnalité n’est pas attaquée devant nous, établit un ensemble de normes générales se prêtant à une multitude d’interprétations.  La question de savoir si, dans un cas donné, la conduite d’un avocat contrevient à l’art. 2.03, est entièrement laissée à l’appréciation discrétionnaire du Comité de discipline. »

Le texte intégral de la décision est disponible ici.

  • La faute déontologique est liée à l’exercice de la profession :

Tremblay c. Dionne, 2006 QCCA 1441

Cet arrêt de la Cour d’appel constitue un incontournable en droit disciplinaire, plus particulièrement en matière de faute disciplinaire. Cette célèbre affaire concernait les manquements commis par M. Dionne, ingénieur, dans le cadre du mandat de conception du viaduc du Souvenir qui s’est effondré causant notamment la mort d’individus. L’ingénieur faisait face à une plainte disciplinaire pour avoir exprimé des avis incomplets et de ne pas avoir tenu compte des conséquences de l’exécution de ses travaux sur l’environnement, et sur la vie, la santé et la propriété de toute personne. La Cour d’appel établit le fondement de la responsabilité disciplinaire d’un professionnel comme suit :

« [43] À mon avis, le fondement de la responsabilité disciplinaire du professionnel réside dans les actes posés à ce titre tels qu’ils peuvent être perçus par le public. Les obligations déontologiques d’un ingénieur doivent donc s’apprécier in concreto et ne sauraient se limiter à la sphère contractuelle; elles la précèdent et la transcendent. Sinon, ce serait anéantir sa responsabilité déontologique pour tous les actes qu’il pose en dehors de son mandat, mais dans l’exécution de ses activités professionnelles et, de ce fait, circonscrire de façon indue la portée d’une loi d’ordre public qui vise la protection du public.

[44] La faute disciplinaire professionnelle est liée à l’exercice de la profession (…) Lorsque ce lien existe, il peut même arriver que la faute inclue « des actes de sa vie privée dans la mesure ou ceux-ci sont suffisamment liés à l’exercice de la profession et causent un scandale [portant] atteinte à la dignité » de celle-ci (Jacques BEAULNE, « Déontologie et faute disciplinaire professionnelle », (1987) 89 R. du N. 673, à la p. 685, no 81; Jean SAVATIER, La profession libérale, Étude juridique et pratique, Paris, L.G.D.J., 1947 à la p. 125). Il en va autrement de la responsabilité contractuelle du professionnel. Son fondement réside dans le contrat qui le lie à son client et qu’il faut nécessairement qualifier et interpréter pour cerner les obligations contractées (Eric DUNBERRY, « La responsabilité des professionnels » dans La construction au Québec : perspectives juridiques, sous la direction d’Olivier F. KOTT et de Claudine ROY, Montréal, Wilson & Lafleur, 1998, p. 461, à la p. 535) »

Le texte intégral de la décision est disponible ici.

  • La faute déontologique requiert un comportement inacceptable :

Ordre des architectes du Québec c. Duval, 2003 QCTP 144

Ce jugement nous enseigne que pour déterminer si une faute constitue une faute déontologique, il faut opérer une distinction entre un comportement souhaitable et un comportement acceptable. Un comportement qui n’est pas souhaitable ne saurait constituer en soi une faute déontologique contrairement à un comportement inacceptable. En effet, pour qu’un comportement constitue une faute déontologique, ce comportement doit atteindre un tel niveau qu’il se qualifie en dessous d’un comportement acceptable. À ce propos, le Tribunal des professions s’exprime comme suit :

« [11] Comme le soulignait le procureur de l’intimé, il faut distinguer en droit disciplinaire entre le comportement souhaitable et le comportement acceptable. La faute déontologique naît d’un comportement qui se situe en-dessous du comportement acceptable. Un professionnel peut avoir une conduite qui s’éloigne du comportement souhaitable sans être inacceptable. »

Le texte intégral de la décision est disponible ici.

  • La faute déontologique doit revêtir une certaine gravité :

Malo c. Infirmières et infirmiers, 2003 QCTP 132

Ce jugement réaffirme le principe dégagé par la jurisprudence Mongrain, selon lequel un manquement professionnel doit revêtir une certaine gravité pour constituer une faute déontologique. En effet, bien qu’un manquement professionnel constitue une faute, il n’en demeure pas moins que cette faute doit revêtir une certaine gravité pour constituer une faute déontologique. À ce propos, Le Tribunal des professions s’exprime comme suit :

« [28] La doctrine et la jurisprudence en la matière énoncent que le manquement professionnel, pour constituer une faute déontologique, doit revêtir une certaine gravité. Il arrive à tous les professionnels de commettre des erreurs et la vie de ces derniers serait invivable si la moindre erreur, le moindre écart de conduite était susceptible de constituer un manquement déontologique. Ce principe est réitéré par le Tribunal dans l’affaire Mongrain précité concernant également l’Ordre professionnel des infirmières et infirmiers. » (Notre emphase)

Le texte intégral de la décision est disponible ici.

Prud’homme c. Gilbert, 2012 QCCA 1544

Cet arrêt entérine le principe selon lequel un manquement professionnel constitue une faute déontologique lorsque ce manquement revêt une certaine gravité. À ce propos, la Cour d’appel cite un passage du jugement Malo, lequel est repris dans un autre jugement rendu par le Tribunal des professions en 2011 :

« [33] Cela signifie-t-il pour autant que, dès que la disposition n’est pas respectée, même au moindre degré, quelles que soient les circonstances, il ne peut y avoir acquittement? Je ne le crois pas. En d’autres termes, je ne peux admettre qu’au moindre écart, sans égard aux circonstances, la faute est consommée.

[34] Dans Malo c. Infirmières, 2003 QCTP 132, le Tribunal des professions écrit, citant Mario GOULET, dans Droit disciplinaire des corporations professionnelles, Éditions Yvon Blais Inc., 1993, à la page 39 :

[28] La doctrine et la jurisprudence en la matière énoncent que le manquement professionnel, pour constituer une faute déontologique, doit revêtir une certaine gravité. Il arrive à tous les professionnels de commettre des erreurs et la vie de ces derniers serait invivable si la moindre erreur, le moindre écart de conduite étaient susceptibles de constituer un manquement déontologique. Ce principe est réitéré par le Tribunal dans l’affaire Mongrain précité concernant également l’Ordre professionnel des infirmières et infirmiers.

[35] Le Tribunal des professions reprend cette idée dans Belhumeur c. Ergothérapeutes, 2011 QCTP 19 :

[72] La doctrine et la jurisprudence énoncent que, pour qu’il y ait faute déontologique, il faut un manquement de la part du professionnel.  De plus, pour que le manquement du professionnel constitue une faute déontologique, il doit revêtir une certaine gravité. »

Le texte intégral de la décision est disponible ici.

  • La distinction entre la faute déontologique et la faute civile :

Latulippe c. Collège des médecins du Québec, 1998 QCTP 1687

Dans cette affaire, le Tribunal des professions établit la distinction entre la faute déontologique et la faute civile. Essentiellement, ce jugement constitue une référence en ce qu’il enseigne que pour qu’il y ait faute professionnelle, il importe peu que les gestes reprochés au professionnel aient causé un préjudice quelconque au client. Ainsi à l’étape de la culpabilité, le plaignant n’a pas à démontrer l’existence d’un préjudice résultant de la conduite du professionnel :

« Il ne faut pas non plus confondre la faute génératrice de dommages en matière civile et la faute déontologique.

Il y a infraction déontologique dès qu’il est établi qu’un professionnel a enfreint une ou plusieurs des règles mises de l’avant par l’Ordre dont il est membre, lesquelles sont adoptées par l’ensemble ou la majorité des membres, peu importe qu’il y ait ou non des conséquences préjudiciables de causer au client ou au patient.  L’existence de conséquences négatives aura plutôt une portée quant à la sanction à imposer, laquelle tient compte des facteurs aggravants.

Dans le domaine de la responsabilité civile par contre, il n’y aura déclaration de faute professionnelle que si un geste ou une omission cause un dommage à autrui et si la preuve démontre que le professionnel n’a pas pris les moyens à sa disposition pour éviter ce dommage.  Il y a une énorme différence entre déclarer un professionnel responsable d’un dommage provoqué par ses gestes et le condamner à une réparation équivalente aux dommages établis, et le déclarer coupable de ne pas avoir suivi les règles de la profession, geste qui engendre l’imposition d’une ou de plusieurs des sanctions disciplinaires prévues au Code des professions. »

Le texte intégral de la décision est disponible ici.

Girard c. Architectes,1998 QCTP1734

Cette décision est également essentielle en ce qui a trait à la distinction entre la faute civile et la faute disciplinaire. Le Tribunal des professions précise que les procédures civiles et disciplinaires n’ont pas le même fondement juridique. En effet, l’une recherche une reconnaissance de faute civile menant à une condamnation à des dommages-intérêts alors que l’autre recherche une déclaration de culpabilité pour la commission d’infractions au Code des professions (chapitre C-26), à la loi régissant la profession ou aux règlements d’un ordre professionnel.

Par ailleurs, le Tribunal rappelle que finalité du droit disciplinaire est la protection du public tandis que celle de l’instance civile est l’indemnisation de la victime.

Le texte intégral de la décision est disponible ici.

  • La distinction entre la faute déontologique et la faute pénale :

Rivest c. Dentistes, 1999 QCTP 68

Ce jugement est essentiel parce qu’il énonce que la faute déontologique n’exige pas la preuve d’une intention blâmable. Dans cette affaire, le Tribunal des professions rejette l’argument de l’appelant à l’effet que la faute disciplinaire constitue un manquement volontaire à un devoir professionnel et confirme que l’intention du professionnel n’est pas déterminante pour statuer de la culpabilité :

« La jurisprudence en droit disciplinaire est constante à l’effet que l’intention du professionnel n’est pas déterminante pour statuer de la culpabilité ou non puisque le critère est l’existence de normes usuelles objectives et scientifiques ainsi que les règles de l’Art et la conduite morale des membres d’une profession qui sont le critère déterminant pour trancher si un professionnel y a contrevenu ou pas. Autrement dit, un professionnel doit se conformer et agir selon les règles de l’Art, selon les données de la science et s’il y contrevient par ignorance, incompétence ou tout à fait volontairement, il se rend coupable d’une infraction disciplinaire; le Comité n’a donc pas à faire intervenir la notion d’intention criminelle ou « mens rea ». »

Le texte intégral de la décision est disponible ici.

Renaud c. Avocats, 2003 QCTP 111

Ce jugement est essentiel en ce qu’il a marqué l’évolution de la définition de la faute déontologique. Le Tribunal expose que la faute professionnelle peut requérir la preuve d’un élément d’intention.

S’appuyant sur la classification des infractions contre le bien-être public, de l’arrêt Sault Ste-Marie[2], le Tribunal des professions statue qu’il ne « fait aucun doute que le Code des professions et toute la réglementation qui en découle participe de la législation relative au bien-être public ». Ainsi, les enseignements de la Cour suprême trouvent application en droit disciplinaire afin de déterminer les éléments constitutifs de la faute déontologique :

« [102] Bien que tirée du droit pénal, il n’y a aucune raison que cette jurisprudence ne trouve pas application en droit disciplinaire, du moins au plan de la constitution des éléments requis pour qu’il y ait contravention à une norme déontologique en ne perdant pas de vue deux distinctions importantes : d’une part, le fardeau du poursuivant, quant à la norme de preuve, diffère; d’autre part, la notion de doute raisonnable n’existe pas.

[103] Ainsi, il faut tenir que les infractions contre le bien-être public peuvent comporter un élément d’intention blâmable ou de conscience volontaire et dans le meilleur des scénarios pour l’intimé, si l’on tient pour acquis que l’arrêt Roberge, précité, représente, sur la question, l’état du droit dans la province de Québec, l’infraction contre le bien-être public doit être présumée tomber dans la catégorie des infractions dites de responsabilité stricte même si elles comportent un élément intentionnel auquel cas le défendeur peut faire valoir qu’il en est dénué. »

Par ailleurs, le Tribunal des professions précise certaines distinctions quant aux fautes déontologiques exigeant la démonstration d’une intention blâmable. En fait, de l’avis du Tribunal, toutes les dispositions d’un code de déontologie ne commandent pas la preuve d’un élément d’intention pour qu’il y ait faute déontologique. Dans cette affaire, l’infraction reprochée à l’avocat, soit d’induire le tribunal en erreur, se trouvant à la section « Intégrité » du code de déontologie, ne pouvait, selon le Tribunal, être commise sans que le professionnel soit animé d’une intention blâmable. À cet effet, voici les passages pertinents de cette décision :

« [108] La norme en cause fait partie d’un ensemble de règles qui entendent maintenir chez les avocats, en leur qualité d’auxiliaires de la justice, le plus haut standard d’intégrité et de probité. Dans une perspective déontologique, il faut plutôt envisager que l’avocat qui induit le Tribunal en erreur ne peut pas ne pas rechercher un but à atteindre ou provoquer une conséquence dont il entend tirer un avantage.

[109] Dès lors que l’article 3.02.01c) du Code nécessite la démonstration d’un élément intentionnel, le Comité devait s’y arrêter et se demander si au regard de l’ensemble des faits et de tout le contexte, en incluant le témoignage de l’appelant, il pouvait conclure à la présence d’un état d’esprit blâmable. En ne le faisant pas pour la raison que l’on sait, il commet une erreur de droit. »

Le texte intégral de la décision est disponible ici.

Conclusion

La détermination de la faute disciplinaire est un exercice minutieux exigeant l’étude des circonstances révélées par la preuve. Cette preuve doit d’être claire et convaincante selon le fardeau de la probabilité.

Le décideur doit porter une attention particulière à un ensemble d’éléments, dont l’identification de la disposition de rattachement énonçant la norme déontologique, la portée et la gravité du manquement du professionnel sans oublier tout le contexte factuel entourant la conduite de celui-ci.

Retenons que la démonstration de la commission d’une infraction disciplinaire n’est pas sans défis. Il est alors possible que la commission d’une faute déontologique soit exclue, même en présence de la violation d’une norme. Il est aussi possible que celle-ci soit retenue même si les gestes du professionnel sont légaux[3].


[1] Tremblay c. Dionne, 2006 QCCA 1441.

[2] R. c. Sault Ste. Marie, [1978] 2 R.C.S. 1299.

[3] Voir la décision Belhassen c. Comeau, ès-qual. (Avocats), 2000 QCTP 10. Dans cette affaire, le Tribunal des professions établit que des procédures légales peuvent néanmoins engager la responsabilité déontologique de l’avocat.

Commentaires (0)

L’équipe du Blogue vous encourage à partager avec nous et nos lecteurs vos commentaires et impressions afin d’alimenter les discussions sur le Blogue. Par ailleurs, prenez note du fait qu’aucun commentaire ne sera publié avant d’avoir été approuvé par un modérateur et que l’équipe du Blogue se réserve l’entière discrétion de ne pas publier tout commentaire jugé inapproprié.

Laisser un commentaire

À lire aussi...