Journée mondiale des zones humides : les changements législatifs apportés en 2017 par la Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques
Par Sandra Joseph, avocate
La Journée mondiale des zones humides est célébrée le 2 février de chaque année en commémoration de l’adoption de la Convention relative aux zones humides d’importance internationale particulièrement comme habitats des oiseaux d’eau[1] le 2 février 1971 à Ramsar, en Iran. Au Canada, cet accord multilatéral sur la protection des milieux humides fut ratifié en 1981.
Nous profitons ainsi de cette journée thématique pour nous pencher sur l’encadrement juridique au Québec visant la conservation des milieux humides et hydriques, qui fut mis en œuvre en 2017 par la Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques[2] (ci-après la « Loi »). Cette loi, adoptée et sanctionnée le 16 juin 2017, a modifié substantiellement plusieurs lois québécoises, dont la Loi sur la qualité de l’environnement[3](ci-après « LQE » et la Loi sur l’aménagement l’urbanisme[4](ci-après « LAU »).Nous observerons ici les principales modifications apportées à ces deux lois.
Les milieux humides et hydriques et le régime d’autorisation environnementale de la LQE
La Loi insère une nouvelle section dans la LQE : la Section V.1 (art. 46.0.1 à 46.0.12 LQE) nommée « Milieux humides et hydriques ». La majeure partie de ces dispositions met en place des règles supplémentaires concernant le régime d’autorisation environnementale prévu à l’article 22 LQE. L’objectif de cette nouvelle section est de favoriser la gestion intégrée des milieux humides et hydriques dans le but de minimiser les impacts environnementaux sur lesdits milieux, tel que l’explique l’article 46.0.1 LQE :
« 46.0.1. Les dispositions de la présente section visent à favoriser une gestion intégrée des milieux humides et hydriques dans une perspective de développement durable et en considération de la capacité de support de ces milieux et de leur bassin versant.
Elles ont notamment pour objectif d’éviter les pertes de milieux humides et hydriques et de favoriser la conception de projets qui minimisent leurs impacts sur le milieu récepteur.
De plus, elles exigent des mesures de compensation dans le cas où il n’est pas possible, pour les fins d’un projet, d’éviter de porter atteinte aux fonctions écologiques et à la biodiversité des milieux humides et hydriques. »[5]
Notons que le législateur définit l’expression « milieux humides et hydriques » en se basant sur des caractéristiques liées à l’origine du milieu et à la présence d’eau[6]. On retrouve également, au troisième alinéa de l’article 46.0.2 LQE, une liste non exhaustive de ces milieux :
« 46.0.2.
[…]
Sont notamment des milieux humides et hydriques :
1° un lac, un cours d’eau, y compris l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent et les mers qui entourent le Québec;
2° les rives, le littoral et les plaines inondables des milieux visés au paragraphe 1°, tels que définis par règlement du gouvernement;
3° un étang, un marais, un marécage et une tourbière. »[7]
Ainsi, dans le cas de projets impliquant des travaux, constructions ou interventions qui seront réalisés dans des milieux humides et hydriques, la demande d’autorisation environnementale auprès du ministre devra, en plus des renseignements et documents exigés en vertu de l’article 23 LQE, contenir une étude de caractérisation des milieux visés qui devra être effectuée par un professionnel en biologie, en sciences de l’environnement ou en biologie, ainsi qu’une présentation des impacts du projet sur lesdits milieux et des mesures pour les minimiser.[8] De plus, le demandeur est tenu de démontrer que le projet ne peut être réalisé à un autre endroit[9].
Par ailleurs, de nouveaux éléments d’analyse d’évaluations ont été ajoutés pour évaluer l’impact environnemental de ces projets[10]. Par exemple, le ministre devra tenir compte la capacité des milieux visés à se restaurer ou à se rétablir une fois le projet terminé[11].
Dans certaines activités de construction, comme des travaux de drainage et de canalisation ou des travaux de remblai et de déblai, la délivrance du permis devra être accompagnée du paiement d’une compensation financière, et ce dans le but de compenser l’atteinte aux milieux humides et hydriques[12]. Cette compensation peut, par ailleurs, être remplacée par des travaux spécifiques visant la restauration des milieux touchés[13]. Notons que le gouvernement dispose de pouvoirs réglementaires qui lui permettent de fixer les méthodes de calcul et les modalités de paiement de ces contributions financières[14]. À cet égard, le gouvernement a adopté en 2018 le Règlement sur la compensation pour l’atteinte aux milieux humides et hydriques[15]. Ce règlement doit d’ailleurs être évalué 2 ans après son entrée en vigueur, et ensuite tous les 5 ans « sur la base de l’évolution des connaissances scientifiques et techniques applicables en cette matière ».[16] Ainsi, le gouvernement procéda à une mise à jour du régime de compensation en adoptant le Règlement modifiant principalement le Règlement sur la compensation pour l’atteinte aux milieux humides et hydriques et d’autres dispositions réglementaires[17]en 2021.
Protection des milieux humides et hydriques : l’élargissement du pouvoir réglementaire des municipalités
La Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques[18] a également modifié la LAU pour favoriser la protection de ces milieux essentiels. Les municipalités ont ainsi l’obligation de déterminer, dans leur schéma d’aménagement, « toute zone où l’occupation du sol est soumise à des contraintes particulières […] pour des raisons de protection environnementale des milieux humides et hydriques »[19]. Avant 2017, ce paragraphe faisait plutôt référence aux « rives, du littoral et des plaines inondables ».
De surcroît, le pouvoir réglementaire des municipalités fut élargi : elles peuvent dorénavant adopter des règlements de zonage qui ont pour objet de régir ou de prohiber certaines activités se déroulant à proximité des milieux humides et hydriques[20]. Dans le récent jugement Pillenière, Simoneau c. Ville de Saint-Bruno-de-Montarville[21], la Cour supérieure a confirmé la validité d’un règlement de zonage adopté par la Ville de Saint-Bruno en vertu l’article 113(16) LAU, qui limitait l’abattage d’arbres dans les milieux protégés en plus d’interdire la construction dans les milieux humides. Cette récente décision a d’ailleurs fait l’objet d’un billet sur le blogue du CRL. Vous pouvez le consulter ici.
Le texte intégral de la loi ou du projet de loi est disponible ici.
[1] Convention relative aux zones humides d’importance internationale particulièrement comme habitats des oiseaux d’eau, 2 février 1971, (1971) 996 R.T.N.U. 245.
[2] Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques, LQ 2017, c. 14.
[3] Loi sur la qualité de l’environnement, RLRQ, c. Q-2 (ci-après « LQE »).
[4] Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, RLRQ, c. A-19.1(ci-après « LAU »).
[5] LQE, art. 46.0.1.
[6] Id., art. 46.0.2.
[7] Id., art. 46.0.2.
[8] Id., art. 46.0.3.
[9] Id., art. 46.0.3 (2).
[10] Id., art. 46.0.4.
[11] Id., art. 46.0.4 (3).
[12] Id., art. 46.0.5 al. 1.
[13] Id., art. 46.0.5 al. 2.
[14] Id., art. 46.0.12.
[15] Règlement sur la compensation pour l’atteinte aux milieux humides et hydriques, RLRQ, c. Q‑2, r. 9.1.
[16] Id., art. 14.
[17] Règlement modifiant principalement le Règlement sur la compensation pour l’atteinte aux milieux humides et hydriques et d’autres dispositions réglementaires (projet), (2021) GOQ. II, 3913.
[18] Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques, préc., note 2.
[19] LAU, art. 113 (16).
[20] LAU, art. 113 (16).
[21] Pillenière, Simoneau c. Ville de Saint-Bruno-de-Montarville, 2021 QCCS 4031.
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