Sélection SOQUIJ – Rosenbloom c. Viger Blouin, 2022 QCCS 672
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
VENTE : En raison du refus injustifié de la défenderesse d’acheter la propriété de la demanderesse à la suite de l’acceptation de son offre, celle-ci est en droit d’obtenir 1 791 875 $.
2022EXP-986
Intitulé : Rosenbloom c. Viger Blouin, 2022 QCCS 672
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Montréal
Décision de : Juge Sylvain Lussier
Date : 28 février 2022
Références : SOQUIJ AZ-51833587, 2022EXP-986 (55 pages)
–Résumé
VENTE — offre, promesse et autres accords préalables — immeuble — offre d’achat acceptée — refus d’acheter — vice de consentement — clause pénale — dommages-intérêts liquidés — dyslexie — erreur inexcusable — absence de dol — responsabilité extracontractuelle — promettant acheteur — paiement de la commission — dommages-intérêts — dommage non pécuniaire — abus de procédure — dommages punitifs.
CONTRAT DE SERVICES — responsabilité — courtage immobilier — paiement de la commission — promettant acheteur — offre d’achat acceptée — refus d’acheter — responsabilité extracontractuelle.
CONTRAT — clauses particulières — clause pénale — circonstances d’application — vente — vente d’immeuble — offre d’achat acceptée — refus d’acheter — dommages-intérêts liquidés — interprétation du contrat.
PROCÉDURE CIVILE — pouvoir des tribunaux de sanctionner les abus de procédure (NCPC) — contestation abusive d’une réclamation — abus du droit d’ester en justice — recours en dommages-intérêts — vente d’immeuble — promesse d’achat acceptée — refus d’acheter — demande reconventionnelle — dommages punitifs.
DOMMAGE (ÉVALUATION) — dommage exemplaire ou dommage punitif — abus de procédure — abus du droit d’ester en justice — recours en dommages-intérêts — promesse d’achat acceptée — refus d’acheter — demande reconventionnelle.
DOMMAGE (ÉVALUATION) — dommage moral — vente d’immeuble — offre d’achat acceptée — refus d’acheter.
Demande en réclamation de dommages-intérêts ainsi que de dommages moraux et punitifs (1 894 642 $). Accueillie en partie (1 791 875 $). Demande en réclamation de dommages-intérêts (775 000 $). Accueillie. Demande en déclaration d’abus et en réclamation de dommages punitifs (500 000 $). Accueillie en partie (200 000 $). Demandes reconventionnelles. Rejetées.
La demanderesse Rosenbloom reproche à la défenderesse Blouin d’avoir refusé de donner suite à une offre d’achat et de signer l’acte d’achat d’un immeuble dont elle était propriétaire. Il s’agit d’une demeure somptueuse construite en 1910 au sommet du mont Royal et connue sous le nom de «Timmins Estate». En 2015, Blouin, qui avait vécu 25 ans en Europe, voulait revenir vivre au Québec. En visitant le quartier avec Sicotte, sa courtière immobilière, elle a été attirée par la résidence de la demanderesse. Celle-ci n’était pas encore à vendre, mais Sicotte l’a informée qu’elle pourrait le devenir en 2016 et que le prix demandé allait être de 18 millions de dollars. Des visites de l’immeuble ont été organisées par l’entremise de Cantor, courtière pour Services immobiliers Gestram inc. Après des négociations, Blouin a accepté la contre-offre de Rosenbloom au prix de 15,5 millions de dollars le 27 septembre 2015. Or, sans donner de raison, Blouin a refusé de se présenter chez le notaire pour la signature de l’acte de vente le 1er septembre 2016. En application d’une clause de dommages-intérêts liquidés, le notaire a remis à Rosenbloom la somme non remboursable de 250 000 $ qu’il avait reçue de Blouin. L’immeuble a finalement été vendu à un tiers en mars 2017 au prix de 13,5 millions de dollars. Rosenbloom réclame 1 750 000 $ à Blouin pour la perte subie lors de la revente de la propriété, 94 642 $ en remboursement de frais de déménagement et d’occupation de l’immeuble qu’elle a dû payer ainsi que 50 000 $ pour les inconvénients subis. Pour sa part, Gestram réclame 775 000 $, soit la valeur de la commission perdue sur cette vente. Enfin, Rosenbloom et Gestram demandent au tribunal de condamner Blouin au paiement de dommages punitifs en raison de son abus de procédure.
Décision
Blouin n’est pas crédible. Sa perception de la réalité est teintée et ne correspond pas à ce qui s’est réellement passé. Les témoignages de Rosenbloom, Sicotte et Cantor sont, quant à eux, clairs, précis, constants et souvent corroborés par des écrits. La promesse d’achat acceptée par Blouin contenait tous les éléments essentiels à la formation d’un contrat. Elle avait l’obligation de la respecter. Son consentement n’a pas été vicié: elle a tout simplement changé d’avis sans en informer qui que ce soit. Ses reproches relatifs à la présence de vices cachés ne sont pas fondés. Ni la présence d’amiante dans l’immeuble ni le fait qu’elle soit asthmatique ne justifiaient l’annulation de la promesse d’achat. Il n’y a pas eu non plus de dol de la part de Rosenbloom quant à la condition et à la valeur de l’immeuble. Par ailleurs, la clause de dommages liquidés contenue dans l’offre finale n’était pas une considération essentielle pour Blouin. Celle-ci en a été pleinement informée et elle n’était pas incapable, du fait de sa dyslexie, de la lire et de la comprendre. Si elle ne l’a ni vue ni comprise, ce que le tribunal ne croit pas, son erreur est alors inexcusable. Quant à la prétention de Blouin selon laquelle elle serait libérée de ses obligations parce que sa courtière serait à l’origine d’une fuite d’information ayant mené à l’association de son nom à l’affaire des «Panama Papers», cet argument est tout simplement absurde. Le contrat avec Rosenbloom ne contenait aucune clause de confidentialité.
Pour la perte qu’elle a subie lors de la revente de l’immeuble, Rosenbloom est en droit d’obtenir 1 750 000 $. Les dommages qu’elle a subis ne sont pas limités à la somme de 250 000 $ couverte par la clause de dommages liquidés. Les parties s’étaient réservé le droit de prouver la valeur des dommages subis, la somme de 250 000 $ n’étant qu’une avance sur l’évaluation de ceux-ci. Une somme de 19 727 $ est aussi accordée à Blouin pour ses frais de déménagement ainsi que 12 147 $ pour les frais d’occupation de l’immeuble. Elle a également droit à 10 000 $ pour les troubles et inconvénients qu’elle a subis.
Quant à Gestram, elle est en droit d’obtenir la commission perdue à la suite du refus de Blouin d’acheter l’immeuble (775 000 $). Il n’y a pas lieu de tenir compte de la rétribution perçue lors de la vente à un tiers, intervenue plusieurs mois plus tard.
Enfin, Blouin a abusé de la procédure en niant sa responsabilité de façon cavalière et changeante. En tenant compte de la fortune de cette dernière et de la gravité de ses manquements, Rosenbloom et Gestram obtiennent chacune 100 000 $ à titre de dommages punitifs. Gestram devra partager cette somme avec l’agence du courtier collaborateur.
NDLR : Le jugement ayant condamné la défenderesse Blouin à payer des dommages-intérêts à la suite de son refus de passer titre comme vendeuse d’un autre immeuble est diffusé à SOQUIJ AZ-51841528 (dossiers nos 700-17-017055-202 et 700-17-016997-206).
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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