Sélection SOQUIJ – Stamir Investments Inc. c. Kurstak, 2022 QCCA 337
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
SÛRETÉS : Dans le contexte d’une fraude immobilière, l’hypothèque ayant été consentie sur un bien dont le constituant n’a jamais été propriétaire est sans effet, n’a jamais pu grever l’immeuble en cause et doit, par conséquent, être radiée.
2022EXP-850
Intitulé : Stamir Investments Inc. c. Kurstak, 2022 QCCA 337
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal
Décision de : Juges Marie-Josée Hogue, Lucie Fournier et Benoît Moore
Date : 11 mars 2022
Références : SOQUIJ AZ-51836832, 2022EXP-850 (13 pages)
SÛRETÉS — hypothèque — hypothèque conventionnelle — immobilière — acte d’hypothèque — constituant — hypothèque sur le bien d’autrui — droit de propriété — vente d’immeuble — hypothèque consentie par un tiers (art. 2681 C.C.Q.) — caractère accessoire de l’hypothèque — fraude — vol d’identité — nullité du contrat — annulation d’hypothèque — inscription sans droit — radiation d’inscription.
SÛRETÉS — hypothèque — hypothèque conventionnelle — principes généraux — hypothèque immobilière — validité de l’hypothèque — acte d’hypothèque — constituant — hypothèque sur le bien d’autrui — droit de propriété — vente d’immeuble — hypothèque consentie par un tiers (art. 2681 C.C.Q.) — caractère accessoire de l’hypothèque — fraude — vol d’identité — nullité du contrat — annulation d’hypothèque — inscription sans droit — radiation d’inscription.
VENTE — formation — vente du bien d’autrui — immeuble — fraude — vol d’identité — véritable propriétaire — absence de consentement — absence de transfert du droit de propriété — nullité du contrat — applicabilité du régime de la restitution des prestations.
OBLIGATIONS — restitution des prestations — vente d’immeuble — fraude — vol d’identité — formation du contrat — véritable propriétaire — absence de consentement — absence de transfert du droit de propriété — nullité du contrat — applicabilité du régime de la restitution des prestations.
CONTRAT — transfert des droits réels, des fruits et des risques — transfert du droit de propriété — vente d’immeuble — fraude — vol d’identité — formation du contrat — véritable propriétaire — absence de consentement — nullité du contrat.
PUBLICITÉ DES DROITS — radiation — hypothèque conventionnelle immobilière — validité de l’hypothèque — constituant — hypothèque consentie par un tiers (art. 2681 C.C.Q.) — fraude — vol d’identité — annulation d’hypothèque — inscription sans droit.
PREUVE — aveu.
Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant déclaré la nullité d’une hypothèque et ayant ordonné sa radiation de même que celle d’un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire visant l’immeuble de l’intimée. Rejeté.
Le 2 mai 2017, le mis en cause a acquis un immeuble. Cette transaction a été effectuée à l’insu de l’intimée, la véritable propriétaire de l’immeuble, dont l’identité ainsi que celle de son défunt mari avaient été volées. Préalablement à son achat, le mis en cause a obtenu un prêt des appelantes garanti par une hypothèque de premier rang ayant été publiée au registre foncier le 24 avril 2017. L’intimée a découvert la fraude et a intenté des procédures judiciaires afin d’obtenir la nullité des actes de vente et d’hypothèque. Le juge de première instance a conclu que les appelantes avaient fait preuve de négligence et que, dans ces circonstances, elles ne pouvaient être qualifiées de «tiers de bonne foi» aux termes de l’article 1707 du Code civil du Québec (C.C.Q.). Par conséquent, l’hypothèque était nulle. Les appelantes soutiennent que le juge a conclu ultra petita en tranchant la question de leur bonne foi en l’absence de preuve au dossier. Elles allèguent aussi qu’il a erré en droit quant à l’application de l’article 1707 C.C.Q. puisque c’est à l’intimée qu’il revenait d’établir qu’elles n’étaient pas de bonne foi.
Décision
M. le juge Moore: Lors de l’adoption du Code civil du Québec, la doctrine a reconnu que l’article 2670 C.C.Q. modifiait le droit applicable en permettant explicitement l’hypothèque de la chose d’autrui ou du bien futur et en retardant son effet «au moment où le constituant devient titulaire du droit hypothéqué» (Denise Pratte, Priorités et hypothèques, 5e éd., Sherbrooke, Éditions Revue de droit, Université de Sherbrooke, 2021, p. 88-89). À l’exception du cas où le constituant devient par la suite propriétaire, l’hypothèque du bien d’autrui ne peut donc jamais prendre effet et ne grève pas le bien, et ce, même si elle est publiée. C’est ce cas de figure qui est présent en l’espèce puisque l’hypothèque a été publiée avant même la «vente» de l’immeuble.
Conformément à la tradition civiliste, le transfert du droit de propriété s’accomplit dès la formation du contrat de vente, c’est-à-dire dès l’échange des consentements. Il en va différemment dans un cas de fraude, comme en l’espèce, où la véritable propriétaire de l’immeuble n’a jamais consenti à la vente puisqu’elle a été victime d’un vol d’identité. Contrairement à la vente du bien d’autrui stricto sensu, il n’y a donc jamais eu de consentement de la personne qui, officiellement, pouvait intervenir au contrat en sa qualité de propriétaire. Or, en l’absence de ce consentement, le contrat ne peut pas avoir été formé et est inexistant. Ce faisant, le mis en cause n’est jamais devenu propriétaire de l’immeuble puisque le transfert de propriété, aux termes de l’article 1453 C.C.Q., n’a jamais pu avoir lieu.
Enfin, si l’intimée, en tant que véritable propriétaire de l’immeuble, a incontestablement été une victime de la fraude, elle ne l’a été qu’indirectement en ce que celle-ci ne visait pas réellement l’acquisition de l’immeuble, mais bien l’appropriation des sommes prêtées par les appelantes. Ainsi, il n’y avait rien à restituer, et le seul effet concret du jugement en annulation de la vente est la radiation de l’hypothèque au registre foncier faite sans droit sur la base d’un acte qui était un faux (art. 3063 C.C.Q.).
Instance précédente : Juge David R. Collier, C.S., Montréal, 500-17-098802-179, 2020-03-25, 2020 QCCS 1036, SOQUIJ AZ-51679746.
Réf. ant : (C.S., 2020-03-25), 2020 QCCS 1036, SOQUIJ AZ-51679746; (C.A., 2020-04-20), 2020 QCCA 577, SOQUIJ AZ-51683175, 2020EXP-1087.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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