par
SOQUIJ
Intelligence juridique
Articles du même auteur
17 Juin 2022

SÉLECTION SOQUIJ : Benoit c. Groupe CRH Canada inc., 2022 QCCS 1919

Par SOQUIJ, Intelligence juridique

BIENS ET PROPRIÉTÉ : La défenderesse Groupe CRH Canada inc. a occasionné, dans le cadre de l’exploitation de son entreprise, un camionnage excessif sur un chemin pendant les années 2016 et 2017, ce qui a eu pour conséquence de causer des troubles et inconvénients anormaux du voisinage au sens de l’article 976 C.C.Q.

2022EXP-1560

Intitulé : Benoit c. Groupe CRH Canada inc., 2022 QCCS 1919

Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Montréal

Décision de : Juge Michel A. Pinsonnault

Date : 27 mai 2022

Références : SOQUIJ AZ-51855699, 2022EXP-1560 (102 pages)

Résumé

BIENS ET PROPRIÉTÉ — troubles de voisinage — bruit — poussière — circulation de camions — voie publique — chemin — exploitant d’une carrière — fabricant de produits d’asphalte — inconvénient anormal — gravité — récurrence — jouissance paisible des biens — atteinte illicite et intentionnelle — dommage non pécuniaire — dommages punitifs — injonction permanente.

ENVIRONNEMENT — bruit — circulation de camions — voie publique — chemin — exploitant d’une carrière — fabricant de produits d’asphalte — troubles de voisinage.

ENVIRONNEMENT — contaminant — poussière — circulation de camions — voie publique — chemin — exploitant d’une carrière — fabricant de produits d’asphalte — troubles de voisinage.

MUNICIPAL (DROIT) — responsabilité — circulation de camions — voie publique — chemin — exploitant d’une carrière — absence de faute.

DROITS ET LIBERTÉS — droits et libertés fondamentaux — jouissance paisible des biens — jouissance paisible des biens — inconvénient anormal — circulation de camions — voie publique — chemin — exploitant d’une carrière — bruit — poussière — troubles de voisinage — atteinte illicite et intentionnelle — dommage non pécuniaire — dommages punitifs.

DOMMAGE (ÉVALUATION) — dommage moral — troubles de voisinage — circulation de camions — voie publique — chemin — exploitant d’une carrière — bruit — poussière.

DOMMAGE (ÉVALUATION) — dommage exemplaire ou dommage punitif — Charte des droits et libertés de la personne — jouissance paisible des biens — troubles de voisinage — circulation de camions — voie publique — chemin — exploitant d’une carrière — bruit — poussière — atteinte illicite et intentionelle.

Demande en jugement déclaratoire, en injonction permanente et en réclamation de dommages moraux et punitifs. Accueillie en partie (650 000 $).

Les demandeurs agissent dans le présent recours à titre personnel et en tant que mandataires de 24 autres personnes. À compter de 2016, la construction des nouvelles infrastructures du projet de l’échangeur Turcot à Montréal a requis une quantité considérable de remblai de pierre concassée, dont la majeure partie provenait de la carrière Demix Agrégats, située sur le chemin des Carrières à Varennes, laquelle est exploitée par la défenderesse Groupe CRH Canada inc. À cet endroit, la défenderesse Bau-Val inc. exploite une entreprise se consacrant à la vente de produits spécialisés pour l’entretien et la réparation de routes et de bâtiments. Le chemin de la Butte-aux-Renards (CBR) est l’unique voie de passage où la circulation des camions est autorisée entre, d’une part, les installations de CRH et de Bau-Val et, d’autre part, l’autoroute 30, laquelle se situe à quelques centaines de mètres des résidences des demandeurs. Ceux-ci allèguent être victimes, depuis au moins 2014, d’inconvénients anormaux de voisinage causés par les activités commerciales et industrielles en lien avec les installations de Carrière Demix, de Bau-Val et de KPH Turcot, une société en nom collectif qui est partenaire du projet de l’échangeur Turcot. Les demandeurs reprochent aussi aux défenderesses de rejeter dans l’environnement des contaminants (bruit et poussière), en violation de l’article 20 de la Loi sur la qualité de l’environnement. En plus d’une série de condamnations pécuniaires visant l’une ou l’autre des défenderesses, les conclusions recherchées par les demandeurs comportent des volets déclaratoire et injonctif.

Décision
Le 21 juin 2018, dans le contexte d’une demande d’injonction interlocutoire, la Cour d’appel a affirmé que CRH et Bau-Val étaient des voisines des demandeurs au sens de l’article 976 du Code civil du Québec (C.C.Q.). Pour les années 2016 et 2017, il a été démontré que ceux-ci avaient subi des troubles anormaux de voisinage qui excédaient les limites de la tolérance au sens de cette disposition et qui étaient imputables à CRH. En effet, celle-ci occasionnait, en raison de l’exploitation de son entreprise, un transport de produits par camion qui était excessif étant donné la grande fréquence du transport et la manière déraisonnable dont celui-ci était effectué, soit en fonction d’un horaire abusif. En outre, ce camionnage excessif causé par CRH durant cette période a porté atteinte à la santé, à la sécurité, au bien-être ainsi qu’au confort des 26 demandeurs, en plus de leur avoir causé des dommages et de leur avoir porté préjudice, en violation de l’article 20 de la Loi sur la qualité de l’environnement.

Par contre, le bruit causé par le camionnage lié aux activités de Bau-Val, et particulièrement celui qui se déroulait en dehors des heures normales d’ouverture, n’a jamais présenté le seuil de gravité et de récurrence que requiert la jurisprudence pour que la responsabilité de celle-ci puisse être engagée en vertu de l’article 976 C.C.Q. En ce qui concerne les autres années couvertes par le présent recours, en tenant compte de la situation des lieux et des usages locaux, et malgré les dérangements causés par le passage des camions devant les résidences des demandeurs, CRH et Bau-Val n’ont pas causé à ceux-ci des inconvénients anormaux excédant le seuil de la tolérance au sens de l’article 976 C.C.Q. Quant à KPH, celle-ci s’est vu décerner, par le ministère des Transports du Québec (MTQ), un contrat visant l’approvisionnement d’agrégats de pierre concassée devant servir de remblai sur le site du projet de l’échangeur Turcot. Or, il a été déterminé que la Carrière Demix de CRH était la seule qui pouvait fournir en quantité suffisante les agrégats composés de syénite. Ainsi, le seul lien de rattachement de KPH aux demandeurs est le fait que CRH ait déterminé que l’approvisionnement en pierre concassée devant servir de remblai pour le projet de l’échangeur Turcot et qu’il allait provenir de sa propre carrière située à Varennes. Les dispositions prévues à l’article 976 C.C.Q. ne s’appliquent donc pas à CRH. En outre, puisque KPH n’effectuait pas elle-même le transport de la pierre concassée, elle ne peut avoir rejeté des contaminants (bruit et poussière) au sens de l’article 20 alinéa 2 de la Loi sur la qualité de l’environnement. Le recours contre KPH est donc rejeté. Enfin, même si la ville défenderesse, à titre de propriétaire et gestionnaire du CBR, pouvait être considérée comme une voisine des résidents riverains habitant sur ce tronçon, le tribunal ne peut lui imputer aucun geste, aucune omission ni aucune faute justifiant la déclaration judiciaire demandée voulant que celle-ci soit solidairement responsable avec CRH.

Quant au quantum, les demandeurs ont chacun droit à 20 000 $ à titre de dommages compensatoires pour la situation que CRH leur a fait subir durant les années 2016 et 2017. De plus, le comportement fautif de cette dernière constituait une atteinte illicite et intentionnelle aux droits des demandeurs énoncés à l’article 6 de la Charte des droits et libertés de la personne. En effet, CRH savait mieux que quiconque, parmi les autres acteurs ou intervenants, que les camions devant s’approvisionner dans ses installations de Varennes allaient devoir emprunter obligatoirement le tronçon CBR, et ce, de jour comme de nuit. En outre, il est impensable que les dirigeants de CRH, étant au fait de la configuration des lieux, de l’accès unique menant au chemin des Carrières et des exigences fort particulières associées au projet de l’échangeur Turcot, n’aient pas compris, avant le début de l’approvisionnement, les effets majeurs et néfastes qu’aurait l’exécution de ce contrat sur les demandeurs et leur bien-être pendant de longues années. Manifestement, la profitabilité et l’appât du gain avaient préséance, dans l’esprit des dirigeants et décideurs de CRH, sur leur obligation de bon voisinage prévue à l’article 976 C.C.Q. Un tel comportement fautif doit être sanctionné. En conséquence, CRH est condamnée à verser 5 000 $ à titre de dommages punitifs à chacun des demandeurs.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

Commentaires (0)

L’équipe du Blogue vous encourage à partager avec nous et nos lecteurs vos commentaires et impressions afin d’alimenter les discussions sur le Blogue. Par ailleurs, prenez note du fait qu’aucun commentaire ne sera publié avant d’avoir été approuvé par un modérateur et que l’équipe du Blogue se réserve l’entière discrétion de ne pas publier tout commentaire jugé inapproprié.

Laisser un commentaire

À lire aussi...