SÉLECTION SOQUIJ : Gagnon c. Conseil de la justice administrative, 2022 QCCA 1011
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
ADMINISTRATIF (DROIT): La destitution d’une juge administrative du Tribunal administratif du Québec est confirmée; on lui reprochait d’être incapable de rendre ses jugements dans les délais impartis et de ne pas avoir demandé une prolongation du délai pour délibérer lorsque cela était requis.
2022EXP-2041
Intitulé : Gagnon c. Conseil de la justice administrative, 2022 QCCA 1011
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Québec
Décision de : Juges François Pelletier, Yves-Marie Morissette et Guy Gagnon
Date : 7 juillet 2022
Références : SOQUIJ AZ-51869140, 2022EXP-2041 (24 pages)
ADMINISTRATIF (DROIT) — déontologie administrative — Conseil de la justice administrative — plainte déontologique — juge administratif — Tribunal administratif du Québec — délai pour rendre des décisions et omission de demander des prolongations du délai pour délibérer lorsque cela était requis — plainte jugée fondée — sanction — destitution — appel.
ADMINISTRATIF (DROIT) — contrôle judiciaire — cas d’application — divers — Cour supérieure — Conseil de la justice administrative — comité d’enquête — plainte déontologique — juge administratif — Tribunal administratif du Québec — plainte jugée fondée — sanction — destitution — équité procédurale — partialité institutionnelle — appel.
Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté un pourvoi en contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision du Conseil de la justice administrative (CJA). Rejeté.
Le président du Tribunal administratif du Québec (TAQ) a déposé une plainte contre l’appelante, laquelle était alors juge administrative au TAQ. Il lui reprochait d’être incapable de rendre ses jugements dans les délais impartis et de ne pas avoir demandé de prolongations du délai pour délibérer lorsque cela était requis. Le Comité d’enquête du CJA a conclu que les reproches étaient fondés et a recommandé la destitution de l’appelante. En Cour supérieure, cette dernière a demandé l’annulation des rapports sur sa culpabilité ainsi que sur sa sanction, des résolutions de la CJA et du décret ayant prononcé sa destitution (Décret concernant Me Kathya Gagnon, membre du Tribunal administratif du Québec). La Cour supérieure a rejeté ses demandes.
Décision
Le CJA est un tribunal spécialisé. L’expérience professionnelle acquise par les membres du CJA leur confère une connaissance approfondie du régime de justice administrative auquel se consacre le TAQ. De plus, le CJA était compétent pour enquêter sur les événements survenus alors que l’appelante était membre de la Commission d’examen des troubles mentaux du Québec. Il a jugé que l’appelante, n’ayant pas rédigé ses motifs dans 427 des 447 dossiers qu’elle avait entendus en 2 ans, n’avait pas exercé ses fonctions «avec honneur, dignité et intégrité» et qu’elle avait ainsi contrevenu à l’article 3 du Code de déontologie applicable aux membres du Tribunal administratif du Québec. On peut difficilement être plus clair. Soutenir qu’il y avait là un excès de compétence trahit une réelle incompréhension de ce que signifie la notion de «compétence».
Aucun préjudice le moindrement décelable n’a découlé de la scission de l’instance devant le Comité d’enquête. De plus, l’appelante savait à quoi elle s’exposait puisque la destitution est prévue dans le libellé de l’article 190 de la Loi sur la justice administrative. Par ailleurs, un autre moyen relatif au droit d’être entendue et au droit à une pleine divulgation de la preuve ne peut être retenu. Ce moyen suppose tout au plus qu’il y a peut-être eu un certain préjudice.
La résolution recommandant la destitution de l’appelante a été validement adoptée par les membres du CJA. Les seules différences entre l’extrait du procès-verbal et le document complet tiennent à des formalités administratives. On ne peut conclure à une apparence de partialité institutionnelle pour une telle raison. De même, le fait que les membres du Comité d’enquête puissent voter lors des séances du CJA ne change strictement rien au processus en cours ni à son issue. Il n’y a pas de partialité institutionnelle en l’occurrence.
La Cour supérieure n’a pas omis de trancher ou d’analyser valablement plusieurs motifs de contrôle judiciaire invoqués par l’appelante. Ses motifs sont amplement suffisants en l’espèce pour suivre son raisonnement. De plus, lorsque la Cour a rendu son jugement, le délai qui avait été accordé à l’appelante pour produire des documents était expiré. La question visant à savoir si le rôle joué par une avocate qui a assisté le Comité d’enquête suscitait une crainte raisonnable de partialité a aussi été tranchée par la Cour supérieure. Celle-ci y a répondu par la négative.
Le Comité d’enquête a pris en considération une entente intervenue à la suite de la plainte pour harcèlement psychologique déposée par l’appelante. Il a décidé de ne pas s’immiscer dans ce litige. La Cour supérieure a eu raison de conclure que l’appelante n’avait pas établi un manquement à l’équité procédurale.
Enfin, la Cour supérieure n’a commis aucune erreur en accueillant des objections du CJA, notamment parce que les informations recherchées par l’appelante étaient dénuées de pertinence.
Instance précédente : Juge Jacques G. Bouchard, C.S., Québec, 200-17-029741-196, 2021-02-25, 2021 QCCS 598, SOQUIJ AZ-51746960.
Réf. ant : (C.J.A., 2019-05-30), SOQUIJ AZ-51602745, 2019EXP-1898; (C.S., 2019-08-28), 2019 QCCS 5906, SOQUIJ AZ-51689365; (C.S., 2019-08-28), 2019 QCCS 5907, SOQUIJ AZ-51689366; (C.J.A., 2020-05-19), SOQUIJ AZ-51688174, 2020EXP-1397; (C.S., 2021-02-25), 2021 QCCS 598, SOQUIJ AZ-51746960, 2021EXP-691; (C.A., 2021-04-26), 2021 QCCA 677, SOQUIJ AZ-51761431, 2021EXP-1331.
Le texte intégral de la décision est disponible ici.
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