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09 Sep 2022

Sommaire de la Cour d’appel : Ville de Brossard c. Ville de Longueuil, 2022 QCCA 1139

Par SOQUIJ, Intelligence juridique

MUNICIPAL (DROIT) : La résolution adoptée par le conseil d’agglomération de la Ville de Longueuil, aux termes de laquelle il délègue au conseil ordinaire de celle-ci l’exercice de la compétence d’agglomération concernant les ressources humaines, financières et matérielles nécessaires au bon fonctionnement des services mixtes de l’agglomération, est frappée de nullité absolue, car la Ville a agi en l’absence de compétence.

2022EXP-2270

Intitulé : Ville de Brossard c. Ville de Longueuil, 2022 QCCA 1139

Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal

Décision de : Juges François Doyon, Geneviève Cotnam et Stéphane Sansfaçon

Date : 22 août 2022

Références : SOQUIJ AZ-51875255, 2022EXP-2270 (46 pages)

-Résumé

MUNICIPAL (DROIT) — territoire — municipalité centrale — conseil d’agglomération — résolution — délégation de pouvoir — conseil ordinaire — compétence — agglomération — services mixtes — interprétation de l’article 48 de la Loi sur l’exercice de certaines compétences municipales dans certaines agglomérations — municipalité liée — validité — absence de compétence — recours en nullité — nullité absolue — jugement déclaratoire — appel.

MUNICIPAL (DROIT) — résolution — délégation de pouvoir — municipalité centrale — conseil d’agglomération — conseil ordinaire — compétence — agglomération — services mixtes — interprétation de l’article 48 de la Loi sur l’exercice de certaines compétences municipales dans certaines agglomérations — municipalité liée — validité — absence de compétence — recours en nullité — nullité absolue — jugement déclaratoire — appel.

PROCÉDURE CIVILE — dispositions générales — recours en nullité — résolution — demande touchant les droits de tierces parties — vice de procédure.

ADMINISTRATIF (DROIT) — contrôle judiciaire — cas d’application — droit municipal — conseil d’agglomération — municipalité centrale — résolution — délégation de pouvoir — compétence — agglomération — conseil ordinaire — validité — recours en nullité — jugement déclaratoire — norme de contrôle — décision raisonnable.

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une demande en jugement déclaratoire et une demande reconventionnelle en nullité. Accueilli en partie.

Créée par la Loi sur l’exercice de certaines compétences municipales dans certaines agglomérations, l’agglomération de Longueuil regroupe l’intimée, les appelantes, la mise en cause ainsi que la Ville de Saint-Lambert. Alors que toutes sont qualifiées de municipalités liées, l’intimée est qualifiée de municipalité centrale de l’agglomération, les 4 autres étant des municipalités reconstituées. L’intimée exerce, par l’entremise de son conseil d’agglomération, les compétences d’agglomération et prend des décisions à l’égard des actes mixtes, tandis que les compétences de proximité, aussi appelées «compétences locales», sont exercées par son conseil municipal. Le 17 décembre 2007, s’autorisant de l’article 48 de la loi, le conseil d’agglomération a adopté une résolution qui prévoyait la délégation au conseil ordinaire de l’intimée de l’exercice de la compétence d’agglomération relative aux ressources humaines, financières et matérielles nécessaires au bon fonctionnement des services mixtes de l’agglomération. Sans se prononcer sur le fond, le juge de première instance a rejeté la demande en jugement déclaratoire de l’intimée qui visait à faire reconnaître la légalité de cette résolution; il a également rejeté la demande reconventionnelle en nullité de cette même résolution de même qu’une série de résolutions adoptées par le conseil ordinaire de l’intimée en vertu du pouvoir ainsi délégué.

Décision
M. le juge Sansfaçon: Suivant le troisième alinéa de l’article 45 de la Loi sur l’exercice de certaines compétences municipales dans certaines agglomérations, la municipalité centrale peut déléguer «l’exercice de tout ou partie de la compétence» d’agglomération à toute municipalité, notamment à toute municipalité reconstituée, et ce, «selon les règles qui lui sont applicables». Ces règles sont celles qui régissent la délégation de l’exercice d’une compétence municipale prévue aux articles 468 et ss. de la Loi sur les cités et villes. Ainsi, une telle délégation ne pourra se faire que dans le cadre d’une entente intermunicipale.

Toutefois, si cette délégation d’une compétence d’agglomération se fait du conseil d’agglomération vers le conseil ordinaire de la municipalité centrale, à l’égard de celle-ci ou de son territoire, l’adoption des résolutions similaires suffit alors (art. 48 de la Loi sur l’exercice de certaines compétences municipales dans certaines agglomérations). La raison d’être de cette dernière disposition n’est autre que de résoudre de façon simple la difficulté logique et juridique découlant du fait qu’une municipalité ne peut conclure avec elle-même une entente de délégation de l’un de ses organes décisionnels à un autre. Elle n’accorde pas à la municipalité centrale de plus vastes pouvoirs que ceux que la loi accorde aux autres municipalités liées à l’article 45 de la Loi sur l’exercice de certaines compétences municipales dans certaines agglomérations ainsi qu’aux articles 468 et ss. de la Loi sur les cités et villes.

Par ailleurs, en matière de délégation de l’exercice des compétences, le législateur a pris grand soin, d’une part, de respecter le principe de l’imputabilité des élus qui prennent les décisions et, d’autre part, de préserver celui de la représentativité, même dans le cas de la délégation d’une compétence. Les municipalités reconstituées participent à toutes les décisions prises à leur égard ou à l’égard de leur territoire, et ce, directement par leur conseil municipal lorsque cela touche leurs compétences de proximité ou encore par leur maire, qui siège au conseil d’agglomération, lorsque cela vise des compétences d’agglomération et des actes mixtes. La loi prévoit qu’une municipalité ne pourra jamais perdre le droit d’exercer une compétence à son égard ou à l’égard de son territoire, à moins que cela ne soit fait par une délégation, laquelle devra dans tous les cas être acceptée par son conseil municipal. Or, la résolution du 17 décembre 2007 retire aux maires des municipalités reconstituées qui siègent au conseil d’agglomération le droit d’accomplir les actes visés par cette résolution à l’égard de chacune des municipalités liées ou de son territoire, ce qui comprend toutes les municipalités reconstituées, et ce, sans que le conseil de celles-ci ait accepté cette délégation.

L’adoption de cette résolution ne satisfait pas à la norme de la décision raisonnable. Elle contredit manifestement le texte législatif invoqué en l’espèce au soutien des résolutions similaires. Comme l’intimée a agi sans compétence, c’est-à-dire sans habilitation législative, la résolution, qui est frappée de nullité absolue, est annulée. Il en ira toutefois autrement des 43 résolutions adoptées en vertu de la délégation décrétée par cette résolution puisque toutes ont des effets immédiats sur des tiers qui n’ont pas été dûment appelés comme parties au litige. La demande d’annulation de ces résolutions est donc rejetée.

Instance précédente : Juge Jérôme Frappier, C.S., Longueuil, 505-17-007729-140, 2019-08-05, 2019 QCCS 3307, SOQUIJ AZ-51618742.

Réf. ant : (C.S., 2019-08-05), 2019 QCCS 3307, SOQUIJ AZ-51618742, 2019EXP-2461; (C.A., 2019-09-25), 2019 QCCA 1617, SOQUIJ AZ-51631168.

Le texte intégral de la décision est disponible ici.

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