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21 Avr 2023

SÉLECTION SOQUIJ : Saint-Laurent c. Ville de Québec, 2023 QCCS 1010

Par SOQUIJ, Intelligence juridique

MUNICIPAL (DROIT) : Les policiers de la Ville de Québec ont commis une faute lors de manifestations tenues dans le contexte de la grève étudiante québécoise de 2012 («printemps érable») puisque l’usage de mesures de contention ne paraissait pas nécessaire; les actions collectives introduites contre la Ville sont néanmoins rejetées, car elles sont prescrites.

2023EXP-927*** 

Intitulé : Saint-Laurent c. Ville de Québec, 2023 QCCS 1010

Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Québec

Décision de : Juge Simon Hébert

Date : 28 mars 2023

Références : SOQUIJ AZ-51926555, 2023EXP-927 (57 pages)

-Résumé

MUNICIPAL (DROIT) — responsabilité — commettant — policier — manifestant — arrestation sans mandat — détention — mesure de contention — avis de dispersion — obligation de fournir l’itinéraire — manifestation illégale — norme du policier raisonnable placé dans les mêmes circonstances — liberté d’opinion — liberté d’expression — liberté de réunion — préoccupations relatives au bon gouvernement — droit à liberté — détention arbitraire — prescription extinctive — application de l’article 586 de la Loi sur les cités et villes — action collective.

RESPONSABILITÉ — atteintes d’ordre personnel — arrestation et accusation injustifiées — policier municipal — manifestant — arrestation sans mandat — détention — mesure de contention — avis de dispersion — obligation de fournir l’itinéraire — manifestation illégale — action collective — norme du policier raisonnable placé dans les mêmes circonstances — liberté d’opinion — liberté d’expression — liberté de réunion — préoccupations relatives au bon gouvernement — droit à la liberté — détention arbitraire — prescription extinctive — application de l’article 586 de la Loi sur les cités et villes — action collective.pandémie — coronavirus — COVID-19 — état d’urgence sanitaire — décret — adoption — Assemblée nationale — pouvoir législatif — délégation de pouvoir — jugement déclaratoire — compétence — Cour supérieure — séparation des pouvoirs — souveraineté parlementaire — appréciation de la preuve — faits législatifs — preuve extrinsèque — absence de fondement factuel.

ACTION COLLECTIVE (RECOURS COLLECTIF) — jugement au fond et mesures d’exécution — responsabilité municipale — commettant — policier — manifestant — arrestation sans mandat — détention — mesure de contention — avis de dispersion — obligation de fournir l’itinéraire — manifestation illégale — norme du policier raisonnable placé dans les mêmes circonstances — liberté d’opinion — liberté d’expression — liberté de réunion — préoccupations relatives au bon gouvernement — droit à la liberté — détention arbitraire — prescription extinctive — application de l’article 586 de la Loi sur les cités et villes.

DROITS ET LIBERTÉS — droits et libertés fondamentaux — réunion pacifique — manifestation — policier municipal — arrestation sans mandat — obligation de fournir l’itinéraire — manifestation illégale — préoccupations relatives au bon gouvernement — absence de faute — action collective.

DROITS ET LIBERTÉS — droits et libertés fondamentaux — pensée, opinion et expression — liberté d’expression — liberté d’opinion — manifestation — policier municipal — arrestation sans mandat — obligation de fournir l’itinéraire — manifestation illégale — préoccupations relatives au bon gouvernement — absence de faute — action collective.

DROITS ET LIBERTÉS — droits judiciaires — personne arrêtée ou détenue — manifestation — policier municipal — arrestation sans mandat — obligation de fournir l’itinéraire — manifestation illégale — mesures de contention — détention arbitraire — prescription extinctive — application de l’article 586 de la Loi sur les cités et villes — action collective.

RESPONSABILITÉ — responsabilité du fait des autres — commettant — municipalité — policier — manifestant — arrestation sans mandat — détention — mesure de contention — avis de dispersion — obligation de fournir l’itinéraire — manifestation illégale — norme du policier raisonnable placé dans les mêmes circonstances — liberté d’opinion — liberté d’expression — liberté de réunion — préoccupations relatives au bon gouvernement — droit à liberté — détention arbitraire — prescription extinctive — application de l’article 586 de la Loi sur les cités et villes — action collective.

Actions collectives et recours en réclamation de dommages-intérêts. Rejetées.

En mai 2015, les 3 demandeurs ont chacun introduit une action collective contre la ville défenderesse au nom des personnes qui ont été arrêtées ou détenues à Québec lors de manifestations tenues dans le contexte de la grève étudiante québécoise de 2012 («printemps érable»). À ces occasions, les membres des groupes ont tous répondu à une invitation de manifester, ils ont participé à une manifestation qui a été déclarée illégale par le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ), ils ont été arrêtés et filmés dans un but d’identification, ils ont été menottés, détenus puis libérés après quelques heures, à la suite d’un déplacement dans un autobus du Réseau de transport de la Capitale, et, enfin, ils ont reçu un constat d’infraction quelques jours après leur arrestation et leur détention. L’exercice de ces 3 actions collectives a été autorisé le 15 décembre 2016. La Ville soutient que celles-ci sont prescrites. Quant aux demandeurs, qui affirment notamment avoir été arrêtés arbitrairement, ils soutiennent qu’il était nécessaire de trancher la question de la validité des constats d’infraction devant la cour municipale avant d’entreprendre les présents recours en dommages-intérêts.

Décision

L’article 586 de la Loi sur les cités et villes prévoit qu’un recours en dommages-intérêts contre une municipalité ou l’un de ses fonctionnaires ou employés doit être intenté dans les 6 mois suivant le jour auquel le droit d’action a pris naissance. Cet article s’applique en l’espèce, vu l’article 4.2 de la Charte de la Ville de Québec, capitale nationale du Québec.

Les faits à l’origine des recours, lesquels ont été introduits en mai 2015, sont connus depuis chaque manifestation, donc respectivement depuis les 23 mai, 28 mai et 5 juin 2012. L’application du délai de 6 mois fait en sorte que les recours étaient prescrits à partir du 24 novembre, du 29 novembre et du 6 décembre 2012. Pour qu’il y ait suspension de la prescription, un lien doit être établi entre «l’arrestation abusive» et l’issue des poursuites devant la cour municipale. Or, dans le contexte des présents recours, il est reproché aux membres du SPVQ d’avoir, dans l’exercice de leurs fonctions, violé les droits constitutionnels des demandeurs. La cour municipale n’a pas le pouvoir de se prononcer sur les mesures réparatrices prévues à l’article 24 (1) de la Charte canadienne des droits et libertés. Ce n’est donc pas par la décision de la cour municipale portant sur les constats d’infractions que s’est cristallisé le préjudice subi par les membres du groupe. Les recours sont donc prescrits en vertu de l’article 586 de la Loi sur les cités et villes. Néanmoins, il y a lieu d’aborder les autres questions vu l’importance des événements à l’origine des recours et la nature des reproches formulés à l’encontre de la Ville.

Premièrement, la Ville n’a pas enfreint les droits à la liberté de réunion ainsi qu’à la liberté d’opinion et d’expression des membres des groupes lors de l’une ou l’autre des manifestations. Le SPVQ faisait face à un enjeu de sécurité alors qu’il cherchait à protéger les manifestants ainsi que les autres usagers de la route. S’il y a eu entrave aux libertés d’expression et de réunion pacifique des membres, cette atteinte était justifiée par le principe fondamental de «bon gouvernement». En effet, lors des interventions du SPVQ, l’article 500.1 du Code de la sécurité routière était valide et en vigueur. Il n’y a pas eu preuve de mauvaise foi ou d’abus de la part des policiers.

Deuxièmement, si l’arrestation des manifestants se justifiait par une infraction à une loi valide, l’usage de mesures de contention à leur endroit et leur déplacement soulèvent des questions. En ce qui concerne les mesures de contention, l’arrestation ne rend pas automatiquement raisonnable l’utilisation de menottes ou d’attaches autobloquantes. Or, en l’espèce, rien ne permet de conclure que les personnes arrêtées ont résisté à leur arrestation ni que l’une de celles-ci avait des antécédents judiciaires en matière de violence. La nécessité de la mesure n’a pas été démontrée. La Ville a donc porté atteinte sans justification aux droits des membres des groupes à la liberté et à la protection contre la détention arbitraire prévus aux articles 7 et 9 de la charte canadienne, en utilisant des mesures de contention lors des manifestations. À cet égard, n’eût été la prescription, le tribunal aurait conclu qu’une réparation de nature déclaratoire, conjuguée à des excuses du SPVQ, aurait représenté une réparation convenable et juste. Quant au déplacement des membres, il s’agissait du moyen le plus approprié. En effet, le tribunal conclut que la présence d’autres personnes en dehors du lieu immédiat où étaient encerclés les membres des groupes laissait entrevoir la possibilité d’une poursuite de l’infraction.

Troisièmement, les préposés de la Ville sont responsables des dommages moraux subis par les membres des groupes lors des manifestations. En l’absence d’un début de preuve indiquant un danger lors de la détention, les policiers ont commis une faute puisque l’usage de mesures de contention ne paraissait pas nécessaire dans les circonstances des manifestations décrites lors de l’instruction. La responsabilité de la Ville est aussi engagée, car il est indéniable que les policiers agissaient pour elle dans l’exercice de leurs fonctions.

Réf. ant : (C.S., 2016-12-15), 2016 QCCS 6851, SOQUIJ AZ-51375429.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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