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28 Juil 2023

Sommaire de la Cour d’appel : Médias Transcontinental c. Ville de Mirabel, 2023 QCCA 863

Par SOQUIJ, Intelligence juridique

MUNICIPAL (DROIT) : Le recours de Médias Transcontinental visant à invalider le règlement 2326 remplaçant le règlement 1225 relatif à la distribution d’imprimés publicitaires dans les limites du territoire de la Ville de Mirabel, qui limite la distribution des imprimés publicitaires, dont le Publisac, sur le territoire de la Ville de Mirabel est rejeté en appel.

2023EXP-1762*** 

Intitulé : Médias Transcontinental c. Ville de Mirabel, 2023 QCCA 863

Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal

Décision de : Juges Mark Schrager, Stephen W. Hamilton et Michel Beaupré

Date : 3 juillet 2023

Références : SOQUIJ AZ-51951260, 2023EXP-1762 (24 pages)

Résumé

MUNICIPAL (DROIT) — règlement — distribution d’imprimés publicitaires — modification — présomption de refus de recevoir (régime «opt-in») — validité — avis de motion — précision — interprétation de l’article 356 alinéa 8 de la Loi sur les cités et villes — transparence — caractère raisonnable — compétence — objectif du règlement — compatibilité — salubrité — environnement — gestion des matières résiduelles — absence de discrimination — constitutionnalité — service postal — liberté d’expression — objectif urgent et réel — lien rationnel — atteinte minimale — absence de droits acquis — recours en nullité — contrôle judiciaire — appel.

DROITS ET LIBERTÉS — droits et libertés fondamentaux — pensée, opinion et expression — liberté d’expression — règlement municipal — distribution d’imprimés publicitaires — présomption de refus de recevoir (régime «opt-in») — constitutionnalité — objectif du règlement — objectif urgent et réel — lien rationnel — atteinte minimale.

ADMINISTRATIF (DROIT) — contrôle judiciaire — cas d’application — droit municipal — règlement municipal — distribution d’imprimés publicitaires — présomption de refus de recevoir (régime «opt-in») — recours en nullité — norme de contrôle — décision raisonnable — constitutionnalité — liberté d’expression — décision correcte.

CONSTITUTIONNEL (DROIT) — divers — règlement municipal — distribution d’imprimés publicitaires — constitutionnalité — service postal — liberté d’expression — objectif du règlement — objectif urgent et réel — lien rationnel — atteinte minimale — recours en nullité — contrôle judiciaire — appel.

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté un pourvoi en contrôle judiciaire à l’encontre du règlement 2326 remplaçant le règlement 1225 relatif à la distribution d’imprimés publicitaires dans les limites du territoire de la Ville de Mirabel. Rejeté.

En 2019, la ville intimée a entamé une réflexion sur l’opportunité de réformer le règlement 1225 relatif à la distribution d’imprimés publicitaires dans les limites du territoire de la Ville de Mirabel, en réaction aux préoccupations et aux plaintes de membres du public concernant la réception non sollicitée, le gaspillage et la dispersion par inadvertance de ces imprimés. Au mois de juin, elle a déposé l’avis de motion 570-06-2019, lequel informait le public de l’intention d’un conseiller de présenter le règlement 2326, qui visait notamment à remplacer la présomption de consentement à la distribution d’imprimés publicitaires sur une «propriété privée», ce qui constitue un régime «opt-out», par une présomption de refus d’en recevoir, sauf si le propriétaire manifeste expressément son consentement par l’apposition d’un pictogramme à cet effet, ce qui représente un régime «opt-in». Toutefois, la présomption de consentement continue à s’appliquer à l’égard des imprimés publicitaires distribués par Postes Canada.

L’appelante est propriétaire de Publisac, un distributeur d’imprimés publicitaires. En première instance, elle a cherché à faire déclarer nul ou inopérant le règlement 2326, alléguant qu’il avait été adopté suivant une procédure viciée, qu’il était déraisonnable ou discriminatoire et qu’il violait la liberté d’expression. Subsidiairement, elle a prétendu qu’il lui était inopposable, et ce, compte tenu de ses droits acquis à exercer ses activités en vertu du règlement 1225. Le juge de première instance a écarté ses prétentions.

Décision
M. le juge Schrager: La procédure d’adoption du règlement n’était pas viciée. D’une part, l’avis de motion de la Ville était limpide et avait pour but d’informer suffisamment toute personne intéressée de l’objet du règlement proposé. D’autre part, le conseil municipal pouvait modifier le projet de règlement entre la date de son dépôt et son adoption, pourvu que ces modifications ne soient pas de nature à changer l’objet du règlement, tel que prévu dans le projet déposé (art. 356 al. 8 de la Loi sur les cités et villes). L’intention derrière l’interdiction prévue à cet article, adoptée en 2018, est d’éviter que les conseillers fassent des modifications radicales entre le moment où le projet est déposé et le projet final, contrecarrant ainsi l’objectif de transparence de l’article 356 alinéa 2 de la Loi sur les cités et villes. Outre ces formalités légales et des exigences législatives particulières, il n’existe aucun devoir général pour une ville de prendre des mesures additionnelles afin d’informer le public ou de consulter les parties dont les droits et intérêts seraient compromis par un règlement de nature législative. La Ville n’avait donc aucun devoir de consulter l’appelante ou les autres parties touchées, lesquelles devaient elles-mêmes prendre l’initiative de présenter des avis de motion et d’assister aux séances publiques du conseil municipal.

L’appelante n’a pas démontré que le règlement était déraisonnable ou discriminatoire. Le juge a correctement déterminé et appliqué la norme de la raisonnabilité applicable à la compétence de la Ville pour adopter le règlement en vertu de l’article 10 de la Loi sur les compétences municipales. Il en est de même de la compatibilité de ce règlement avec des normes supérieures au sens de l’article 3 de la Loi sur les compétences municipales. Quant à sa compatibilité avec d’autres dispositions, il est question en l’espèce de la distribution d’imprimés publicitaires. Le simple fait que le règlement ait été adopté en réponse à des plaintes et à des préoccupations liées à l’environnement, à la propreté ou à la quantité de déchets causée par les imprimés n’en fait pas ipso facto un règlement en matière d’environnement, de salubrité ou de gestion des matières résiduelles. La réduction des matières résiduelles n’est que l’un des effets recherchés accessoirement par la Ville. Au surplus, si l’effet ultime du règlement 2326 était de «réduire la quantité de matière résiduelle à éliminer», il serait en harmonie avec l’objet de l’article 53.3 paragraphe 3 de la Loi sur la qualité de l’environnement. D’autre part, il n’y a pas lieu de traiter de droits acquis puisque le règlement touche des droits personnels qui ne sont pas rattachés à un immeuble appartenant à l’appelante. Enfin, il n’est pas question de discrimination dans la mesure où la mention du Publisac à l’occasion des délibérations de l’intimée n’était que le reflet de son succès et du fait que ce nom a acquis, dans le langage courant, le sens générique d’«imprimés publicitaires».

Par ailleurs, le règlement ne porte pas atteinte au droit à la liberté d’expression de manière injustifiable. Il y a certes une atteinte puisque la distribution de tracts, notamment au domicile privé de particuliers, est une activité protégée. Or, même si le règlement vise à régir la distribution d’imprimés, il a aussi comme effet accessoire de protéger l’environnement, d’assurer la propreté des propriétés et de réduire la quantité de matières résiduelles à gérer. Il est difficilement contestable que cette finalité soit urgente et réelle. L’exclusion de Postes Canada de l’application du règlement ne peut être opposée comme argument à l’encontre de la rationalité étant donné la réalité constitutionnelle. En effet, on ne peut déclarer l’article 3.1 du règlement 2326 inopérant simplement parce que cette interdiction, en soi rationnelle, est constitutionnellement inapplicable au «service postal», aux termes de la Loi constitutionnelle de 1867, et que cette inapplicabilité a pour effet de rendre moins certaine la réalisation de sa finalité parce que les commerçants peuvent se tourner vers Postes Canada pour distribuer leur publicité. De plus, l’incohérence alléguée entre les pratiques de l’intimée en matière de distribution de ses propres bulletins informatifs et le fondement anti-gaspillage derrière le règlement 2326, même si elle était avérée, ne serait pas un obstacle à l’existence du lien rationnel. Qu’un gouvernement interdise une chose sans faire preuve lui-même d’exemplarité ne signifie pas qu’interdire la chose est en soi irrationnel. Même si, en l’espèce, l’intimée pourra peut-être participer à la réduction d’imprimés distribués dans la municipalité, le règlement 2326 ne s’applique qu’aux imprimés commerciaux et non pas aux documents politiques. D’autre part, l’intimée a fait la preuve d’une atteinte minimale à la liberté d’expression. Le fait que les autres mesures suggérées par l’appelante soient envisageables ne rend pas excessive la mesure préconisée par l’intimée. Enfin, l’appelante n’a invoqué aucune erreur manifeste et déterminante dans l’appréciation de la preuve par le juge en ce qui a trait aux effets bénéfiques du règlement par rapport à ses effets préjudiciables.

Instance précédente : Juge Jean-Yves Lalonde, C.S., Terrebonne (Saint-Jérôme), 700-17-016434-192, 2022-04-20, 2022 QCCS 1350, SOQUIJ AZ-51846235.

Réf. ant : (C.S., 2022-04-20), 2022 QCCS 1350, SOQUIJ AZ-51846235, 2022EXP-1135.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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