Sommaire de la Cour d’appel : Agence du revenu du Québec c. Trans Global Warranty Corp., 2023 QCCA 618
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
FISCALITÉ : L’ARQ n’a démontré aucune erreur manifeste et déterminante dans la décision du juge ayant conclu que l’intimée, qui offre des plans de garantie aux clients des magasins The Brick Warehouse, est une société qui exploite une entreprise d’assurance au sens de l’article 817 de la Loi sur les impôts; l’intimée pouvait donc, pour l’année 2013, déduire de son revenu 126 933 232 $ à titre de provisions à l’égard de polices d’assurance.
20232023EXP-1261 ***
Intitulé : Agence du revenu du Québec c. Trans Global Warranty Corp., 2023 QCCA 618
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal
Décision de : Juges Martin Vauclair, Patrick Healy et Christine Baudouin
Date : 2 mai 2023
Références : SOQUIJ AZ-51935440, 2023EXP-1261 (10 pages)
-Résumé
FISCALITÉ — revenu (impôt sur le) — déduction — provision à l’égard de polices d’assurance — programme de garantie — société réputée exploiter une entreprise d’assurance — interprétation des articles 152 alinéa 2 et 817 de la Loi sur les impôts — contrat d’assurance — cotisation fiscale — appel — norme d’intervention — absence d’erreur manifeste et déterminante.
ASSURANCE — divers — programme de garantie — qualification du contrat — société réputée exploiter une entreprise d’assurance — impôt sur le revenu — déduction — provision à l’égard de polices d’assurance — interprétation des articles 152 alinéa 2 et 817 de la Loi sur les impôts — Loi sur les assureurs.
INTERPRÉTATION DES LOIS — intention du législateur — disposition déterminative — fiction légale — interprétation des articles 152 alinéa 2 et 817 de la Loi sur les impôts.
Appel d’un jugement de la Cour du Québec ayant accueilli un appel de cotisation. Rejeté.
L’intimée est une société canadienne par actions qui vend une gamme de programmes de garantie et de protection aux clients qui achètent des meubles, des matelas, des électroménagers et des appareils électroniques auprès de sa société mère, The Brick Warehouse LP. L’Agence du revenu du Québec (ARQ) a délivré un avis de cotisation par lequel elle a refusé à l’intimée une déduction de 126 933 232 $. Cette déduction avait été réclamée par cette dernière à titre de provision à l’égard de la partie non acquise, à la fin de l’année d’imposition 2013, des revenus générés par la vente des programmes de garantie. En effet, l’ARQ soutient que l’intimée ne pouvait obtenir la déduction prévue à l’article 150 a) de la Loi sur les impôts. Elle considère que l’exclusion dont il est question à l’article 152 de la loi trouve application puisque l’intimée offre des «garanties». Elle allègue également que l’exception à cette exclusion, prévue à l’article 152 alinéa 2 de la loi, ne peut être invoquée, dans la mesure où l’intimée n’exploite pas une entreprise d’assurance au sens de l’article 817 de la loi. Le juge de première instance a accueilli l’appel de l’intimée et a annulé l’avis de cotisation en cause. Il a déterminé que, suivant l’article 817 de la loi, l’intimée était partie à des contrats d’assurance ou à d’autres arrangements. L’ARQ prétend que le juge a erré dans son application des articles pertinents de la loi.
Décision
L’usage du terme «réputée» employé à l’article 817 de la Loi sur les impôts implique une fiction légale qui donne au mot choisi un sens précis à des fins restreintes et particulières. Ainsi, en l’espèce, cet article est une disposition déterminative qui peut viser des entreprises autres que des sociétés d’assurance au sens «classique» de la Loi sur les assureurs. Dans le cas contraire, l’article 817 de la Loi sur les impôts n’aurait aucune utilité, et l’article 152 de cette même loi serait alors suffisant en soi pour permettre à une société de se prévaloir de la déduction en question dans le calcul de son revenu. On peut aussi penser que la Loi sur les impôts ferait sans doute expressément référence à la Loi sur les assureurs afin de restreindre l’application de son article 152 aux seuls assureurs visés par cette dernière loi. Ainsi, il est possible aux termes de la Loi sur les impôts, aux fins de la partie I (art. 1 à 1086.29), d’être en présence d’un contrat d’assurance sans pour autant que celui-ci ait été accordé par un assureur au sens de la Loi sur les assureurs. Par ailleurs, le juge a relevé avec justesse les principales distinctions établies dans l’arrêt Association pour la protection des automobilistes inc. c. Toyota Canada inc. (C.A., 2008-04-24), 2008 QCCA 761, SOQUIJ AZ-50487470, J.E. 2008-983, [2008] R.J.Q. 918 entre un contrat de garantie et un contrat d’assurance. L’appelante n’a démontré aucune erreur manifeste et déterminante dans ce raisonnement. En effet, le juge devait qualifier les programmes à la lumière du libellé particulier de l’article 817 de la Loi sur les impôts. Celui-ci mentionne clairement que le contrat d’assurance peut assurer des «pertes, dommages ou frais de toute nature». Il s’agit d’une formulation très large qui englobe un vaste éventail de risques, y compris, comme dans le cas des programmes offerts par l’intimée, les pertes de nourriture ou les dommages liés à des taches ou à des perforations accidentelles. Ainsi, pendant l’année d’imposition 2013, l’intimée était réputée exploiter une entreprise d’assurance, ce qui répond à la définition d’un «assureur» au sens de la partie I de la Loi sur les impôts. L’application de cette présomption légale permet donc à l’intimée de se prévaloir de la déduction prévue au second alinéa de l’article 152 de cette loi. Finalement, il convient de rejeter l’argument de l’ARQ voulant qu’une telle provision soit néanmoins interdite puisque les programmes offerts par l’intimée ne sont pas pour autant des «polices d’assurance» aux fins de l’application du deuxième alinéa de l’article 152. En l’absence de toute définition de «police d’assurance» propre à la Loi sur les impôts, cette proposition doit être écartée. L’article 2399 alinéa 1 du Code civil du Québec prévoit en effet que: «La police est le document qui constate l’existence du contrat d’assurance.» Or, les documents de l’intimée qui constatent les programmes qu’elle offre répondent manifestement à cette définition.
Instance précédente : Juge Gatien Fournier, C.Q., Division administrative et d’appel, Montréal, 500-80-036241-173, 2021-12-16, 2021 QCCQ 13824, SOQUIJ AZ-51822749.
Réf. ant : (C.Q., 2021-12-16), 2021 QCCQ 13824, SOQUIJ AZ-51822749, 2022EXP-581; (C.A., 2022-04-04), 2022 QCCA 467, SOQUIJ AZ-51843043.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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