Sélection Soquij: Fédération des policiers et policières municipaux du Québec c. Procureur général du Québec, 2023 QCCS 3333
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
TRAVAIL : Les dispositions de la Loi sur la police qui interdisent aux policiers d’altérer leur uniforme à titre de moyen de pression portent atteinte à leur liberté d’expression.
2023EXP-2391***
Intitulé : Fédération des policiers et policières municipaux du Québec c. Procureur général du Québec, 2023 QCCS 3333
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Montréal
Décision de : Juge Florence Lucas
Date : 30 août 2023
Références : SOQUIJ AZ-51964420, 2023EXP-2391, 2023EXPT-1849 (68 pages)
TRAVAIL — activités de pression — activités de pression secondaires — altération de l’uniforme — policier — Loi obligeant le port de l’uniforme par les policiers et les constables spéciaux dans l’exercice de leurs fonctions et sur l’exclusivité de fonction des policiers occupant un poste d’encadrement — modification de la Loi sur la police — interdiction — validité constitutionnelle — liberté d’association — liberté d’expression — atteinte substantielle et injustifiée — contrôle judiciaire — pourvoi accueilli — déclaration d’inconstitutionnalité.
DROITS ET LIBERTÉS — droits et libertés fondamentaux — association — association syndicale — activités de pression — policier — altération de l’uniforme — interdiction — atteinte substantielle et injustifiée.
DROITS ET LIBERTÉS — droits et libertés fondamentaux — pensée, opinion et expression — liberté d’expression — emploi — activités de pression — policier — altération de l’uniforme — interdiction — atteinte substantielle et injustifiée.
Pourvoi en contrôle judiciaire. Accueilli.
Les syndicats contestent la constitutionnalité de certains articles de la Loi sur la police adoptés aux termes de la Loi obligeant le port de l’uniforme par les policiers et les constables spéciaux dans l’exercice de leurs fonctions et sur l’exclusivité de fonction des policiers occupant un poste d’encadrement. Selon eux, les dispositions en cause créent une interdiction totale de modifier les uniformes de travail des policiers en tant que moyen de pression, ce qui porte une atteinte injustifiée à la liberté d’expression de ses membres en plus d’entraver substantiellement leur liberté d’association. Le procureur général du Québec (PGQ) fait valoir 2 moyens de défense préliminaires. Premièrement, l’altération de l’uniforme ne saurait bénéficier d’une protection constitutionnelle puisque le port de celui-ci serait, selon lui, un privilège lié à l’exercice d’une autorité publique. Deuxièmement, les syndicats et leurs membres réclameraient un droit positif, soit de se voir fournir un mode précis d’expression, en l’occurrence l’altération de l’uniforme, sans s’acquitter du fardeau de preuve excessivement élevé en la matière. Subsidiairement, le PGQ soutient que l’atteinte aux droits fondamentaux n’est pas substantielle ou qu’elle est justifiée.
Décision
Quant aux moyens préliminaires, l’existence des garanties constitutionnelles ne suppose pas de distinction entre un droit ou un privilège, de sorte que la protection constitutionnelle s’applique aux policiers en uniforme. Ensuite, il faut constater que les syndicats et leurs membres ne revendiquent pas une «tribune d’expression», soit une condition essentielle à une revendication de droit positif en matière de liberté d’expression. Le recours se rattache plutôt à un droit négatif puisque les membres demandent à ne pas être assujettis aux dispositions législatives leur interdisant toute substitution ou altération de l’uniforme, lesquelles restreignent leur liberté d’expression. Quant à l’analyse contextuelle, ces dispositions portent atteinte à la liberté d’expression des policiers en leur interdisant le recours à des moyens de pression visant à transmettre un message à la population. Elles contreviennent aussi de façon substantielle à leur liberté d’association parce qu’elles interdisent des activités collectives visant l’affirmation et l’autonomie des policiers dans l’action concertée ainsi que la sensibilisation de la population à l’égard de leurs revendications, soit des objectifs collectifs essentiels au processus véritable de négociation collective. Enfin, les interdictions en litige ne sont pas justifiées dans le cadre d’une société libre et démocratique puisque, en ayant une portée excessive et arbitraire, elles ne respectent pas le critère de l’atteinte minimale, d’autant moins que leurs effets préjudiciables sur la liberté d’expression et la liberté d’association se révèlent disproportionnés par rapport à tout avantage social qui pourrait en découler.
Le seul remède approprié en l’espèce est l’invalidation immédiate de toutes les dispositions litigieuses, faute pour le PGQ d’avoir démontré que la déclaration d’invalidité était susceptible de porter atteinte à un intérêt public impérieux ou de nuire considérablement à la capacité du législateur de légiférer.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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