Procureur général du Québec c. Agence du revenu du Québec, 2024 QCCA 15
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
COOPÉRATIVES : Afin d’être autorisée à aliéner de gré à gré les bâtiments d’une coopérative d’habitation ayant été dissoute par un arrêté ministériel, la demanderesse doit obtenir des autorisations judiciaire et ministérielle.
2024EXP-195**
Intitulé : Procureur général du Québec c. Agence du revenu du Québec, 2024 QCCA 15
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal
Décision de : Juges Julie Dutil, Robert M. Mainville et Benoît Moore
Date : 12 janvier 2024
Références : SOQUIJ AZ-51996055, 2024EXP-195 (30 pages)
–Résumé
COOPÉRATIVES — coopérative d’habitation — dissolution — arrêté ministériel — liquidation — ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie — administrateur du bien d’autrui — pleine administration — immeuble — vente de gré à gré — devoir de l’administrateur — autorisation judiciaire — compétence — Cour supérieure — application de la Loi sur les biens non réclamés — interprétation de l’article 24 de la Loi sur les biens non réclamés — application de la Loi sur les coopératives — interprétation de l’article 221.2.5 de la Loi sur les coopératives — ordre public — autorisation ministérielle.
BIENS ET PROPRIÉTÉ — nature et distinction des biens — immeuble — coopérative d’habitation — dissolution — arrêt ministériel — liquidation — ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie — administrateur du bien d’autrui — pleine administration — immeuble — vente de gré à gré — devoir de l’administrateur — autorisation judiciaire — compétence — Cour supérieure — application de la Loi sur les biens non réclamés — interprétation de l’article 24 de la Loi sur les biens non réclamés — interprétation de l’article 221.2.5 de la Loi sur les coopératives — ordre public — autorisation ministérielle.
PROCÉDURE CIVILE — compétence — compétence — Cour supérieure — autorisation judiciaire — vente de gré à gré — immeuble — coopérative d’habitation — dissolution — arrêté ministériel — liquidation — ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie — administrateur du bien d’autrui — pleine administration — devoir de l’administrateur — application de la Loi sur les biens non réclamés — interprétation de l’article 24 de la Loi sur les biens non réclamés.
INTERPRÉTATION DES LOIS — objet de la loi — loi à caractère social — interprétation de l’article 221.2.5 de la Loi sur les coopératives.
BIENS ET PROPRIÉTÉ — administration du bien d’autrui — ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie — liquidateur — coopérative d’habitation — arrêté ministériel — immeuble — vente de gré à gré — devoir de l’administrateur — autorisation judiciaire — compétence — Cour supérieure — application de la Loi sur les biens non réclamés — interprétation de l’article 24 de la Loi sur les biens non réclamés — interprétation de l’article 221.2.5 de la Loi sur les coopératives — ordre public — autorisation ministérielle.
Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une demande d’autorisation judiciaire de vendre un immeuble de gré à gré. Rejeté.
La Coopérative d’habitation les 5 Continents, qui a été constituée en vertu de la Loi sur les coopératives afin de fournir des logements sociaux, a été dissoute par arrêté ministériel en 2019. Le ministre du Revenu du Québec, qui est devenu le liquidateur d’office des biens de la coopérative, souhaite vendre à une société privée un immeuble. C’est dans ce contexte que l’intimée, agissant pour le ministre, a déposé une demande en vertu de l’article 24 de la Loi sur les biens non réclamés. La juge de première instance a conclu que la Cour supérieure était sans compétence aux termes de cette disposition au motif que seuls les biens de la nature de ceux énumérés à l’article 2 de cette même loi y seraient visés. Selon la juge, le ministre doit obtenir l’autorisation ministérielle en vertu de l’article 221.2.5 de la Loi sur les coopératives pour vendre l’immeuble en cause.
Décision
M. le juge Mainville: L’article 221.2.5 de la Loi sur les coopératives est une disposition d’ordre public dont l’objet est d’assurer la pérennité du parc immobilier coopératif et de préserver la mission sociale des immeubles des coopératives d’habitation ayant pu profiter de programmes d’aide des gouvernements. Cet objet milite fortement en faveur de l’assujettissement du liquidateur d’une coopérative à l’obtention d’une autorisation ministérielle, et ce, même dans les cas de dissolution involontaire. En effet, quoiqu’il détienne la pleine administration des biens de la coopérative d’habitation dissoute, le liquidateur n’agit pas sans contraintes. L’article 1308 du Code civil du Québec énonce qu’il doit, dans l’exercice de ses fonctions, respecter la loi, ce qui comprend les dispositions législatives qui visent à assurer la protection de l’affectation sociale ou communautaire des immeubles qui ont été construits, acquis, restaurés ou rénovés dans le cadre d’un programme d’aide à l’habitation des gouvernements.
Par ailleurs, tel qu’il est énoncé dans Déneigement & Excavation M. Gauthier inc. c. Comité paritaire de l’entretien d’édifices publics, région de Montréal (C.A., 2022-11-24), 2022 QCCA 1586, SOQUIJ AZ-51896710, 2022EXP-3132, 2022EXPT-2592, devant 2 interprétations d’une loi à caractère social, il y a lieu de favoriser celle qui s’harmonise le mieux avec son objet principal. Que le solde de la liquidation soit dévolu à un organisme du mouvement coopératif ne suffit pas pour satisfaire à cet objet puisque c’est le caractère social ou communautaire de l’immeuble lui-même qui est en cause. La juge n’a donc pas commis d’erreur en concluant que l’autorisation ministérielle prévue à l’article 221.2.5 de la Loi sur les coopératives doit être obtenue par le ministre du Revenu du Québec pour procéder à la vente de l’immeuble.
Toutefois, la juge a commis une erreur de droit en concluant que l’autorisation judiciaire prévue à l’article 24 de la Loi sur les biens non réclamés n’était pas quant à elle requise. Premièrement, l’article 2 de la Loi sur les biens non réclamés prévoit expressément que les biens d’une personne morale dissoute sont visés par cette loi lorsque le ministre est chargé de leur administration en vertu d’une autre loi ou qu’aucun autre liquidateur n’a été nommé pour liquider ces biens. Deuxièmement, l’article 24 de la Loi sur les biens non réclamés précise qu’une autorisation judiciaire est requise pour aliéner à titre onéreux un bien visé par toute disposition d’une autre loi en vertu de laquelle le ministre est chargé d’agir à titre d’administrateur du bien d’autrui. Troisièmement, il n’y a rien d’exorbitant dans le fait d’exiger de ce dernier qu’il demande l’autorisation judiciaire prévue à cet article, alors qu’une telle autorisation n’est pas autrement requise pour d’autres administrateurs ou liquidateurs exerçant des fonctions similaires, voire identiques. Enfin, l’autorisation ministérielle et l’autorisation judiciaire ne visent pas les mêmes objets et se justifient aisément.
Instance précédente : Juge Guylène Beaugé, C.S., Montréal, 500-14-057978-207, 2022-05-27, 2022 QCCS 2064, SOQUIJ AZ-51857860.
Réf. ant : (C.S., 2022-05-27), 2022 QCCS 2064, SOQUIJ AZ-51857860, 2022EXP-2047; (C.A., 2023-01-16), 2023 QCCA 59, SOQUIJ AZ-51907045.
Le texte intégral de la décision est disponible ici.
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