Cozak c. Procureur général du Québec, 2024 QCCS 676
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
RESPONSABILITÉ : Le tribunal rejette presque totalement la réclamation de la somme de 22 342 250 $ dirigée contre l’État en lien avec l’arrestation de 3 des demandeurs, les accusations portées à leur endroit pour production de drogue de synthèse et la détention de ces derniers pour une durée d’un peu plus de 2 ans, et ce, jusqu’à l’obtention d’un arrêt des procédures pour atteinte à leur droit constitutionnel d’être jugés dans un délai raisonnable.
2024EXP-734***
Intitulé : Cozak c. Procureur général du Québec, 2024 QCCS 676
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Québec
Décision de : Juge Marie-Paule Gagnon
Date : 29 février 2024
Références : SOQUIJ AZ-52009817, 2024EXP-734 (220 pages)
–Résumé
RESPONSABILITÉ — responsabilité de l’État — procureur général du Québec — Sûreté du Québec — policier — enquête — arrestation — détention — motifs raisonnables et probables — dénonciation — suffisance des motifs — mandat de perquisition — présomption de validité — matériel informatique — non-exécution d’un mandat d’extraction de donnée — pouvoir discrétionnaire — caméra de surveillance — cour arrière — immeuble commercial — conteneur à déchets — droit à la vie privée — accusation criminelle — Directeur des poursuites criminelles et pénales — divulgation de la preuve — communication de la preuve — note des policiers — tardiveté — pertinence — absence d’intention malveillante — absence de préjudice — droit à une défense pleine et entière — absence de violation des droits constitutionnels — arrêt des procédures — droit d’être jugé dans un délai raisonnable — absence de lien de causalité — biens saisis endommagés — dommages-intérêts.
RESPONSABILITÉ — atteintes d’ordre personnel — arrestation et accusation injustifiées — policier — Sûreté du Québec — enquête — motifs raisonnables et probables — dénonciation — suffisance des motifs — mandat de perquisition — présomption de validité — matériel informatique — non-exécution d’un mandat d’extraction de donnée — pouvoir discrétionnaire — caméra de surveillance — cour arrière — immeuble commercial — conteneur à déchets — droit à la vie privée — accusation criminelle — divulgation de la preuve — communication de la preuve — notes des policiers — droit à une défense pleine et entière — absence de violation des droits constitutionnels — arrêt des procédures — droit d’être jugé dans un délai raisonnable — absence de lien de causalité — biens saisis endommagés — dommages-intérêts.
RESPONSABILITÉ — responsabilité du fait des autres — commettant — procureur général du Québec — Sûreté du Québec — policier — enquête — arrestation — détention — motifs raisonnables et probables — dénonciation — suffisance des motifs — mandat de perquisition — présomption de validité — matériel informatique — non-exécution d’un mandat d’extraction de donnée — pouvoir discrétionnaire — caméra de surveillance — cour arrière — immeuble commercial — conteneur à déchets — droit à la vie privée — accusation criminelle — Directeur des poursuites criminelles et pénales — divulgation de la preuve — communication de la preuve — notes des policiers — tardiveté — pertinence — absence d’intention malveillante — absence de préjudice — droit à une défense pleine et entière — absence de violation des droits constitutionnels — arrêt des procédures — droit d’être jugé dans un délai raisonnable — absence de lien de causalité — biens saisis endommagés — dommages-intérêts.
DROITS ET LIBERTÉS — droits et libertés fondamentaux — vie privée — caméra de surveillance — enquête policière — cour arrière — immeuble commercial — conteneur à déchets.
DROITS ET LIBERTÉS — droits judiciaires — personne arrêtée ou détenue — divulgation de la preuve — communication de la preuve — Directeur des poursuites criminelles et pénales — tardiveté — pertinence — notes des policiers — absence d’intention malveillante — absence de préjudice — arrêt des procédures — droit d’être jugé dans un délai raisonnable — absence de lien de causalité.
DOMMAGE (ÉVALUATION) — dommage aux biens — biens endommagés — saisie — enquête policière.
Demande en réclamation de dommages-intérêts (22 342 250 $). Accueillie en partie (25 000 $).
Les 4 demandeurs, une mère, un père et leurs fils, poursuivent le procureur général du Québec (PGQ) — agissant pour la Sûreté du Québec (SQ) et le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) — en lien avec: leur arrestation en septembre 2015; les accusations portées à l’endroit de 3 des demandeurs d’avoir produit et comploté pour produire une substance inscrite à l’annexe I de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances; ainsi que la détention de ces derniers pendant un peu plus de 2 ans, soit jusqu’à l’obtention d’un arrêt des procédures, en novembre 2017, en raison de l’atteinte à leur droit d’être jugés dans un délai raisonnable.
Décision
Les demandeurs n’ont pas établi que les policiers n’avaient pas de motifs raisonnables et probables pour obtenir les divers mandats et procéder à leur arrestation. Les autorisations judiciaires bénéficient d’une apparence de validité et il appartient à un accusé qui en conteste la validité de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la dénonciation ne justifiait pas l’autorisation. Or, les dénonciations au soutien des différents mandats permettaient aux différents juges autorisateurs de délivrer ceux-ci, malgré l’allégation erronée dans certaines dénonciations selon laquelle l’hélional, un ingrédient faisant partie de la production d’une drogue de synthèse, mais étant également utilisé en parfumerie, est un précurseur inscrit à l’annexe VI de la loi. Par ailleurs, l’installation d’une caméra pour surveiller sans mandat la cour arrière d’un immeuble commercial loué par l’un des demandeurs et la récupération sans mandat de boîtes de carton jetées par ce dernier dans un conteneur à déchets ne constituent pas, dans les circonstances, des atteintes au droit à la vie privée. Les demandeurs n’avaient pas non plus d’attente raisonnable de vie privée à l’égard de ce qui pouvait être observé sur la propriété de la demanderesse à partir du terrain voisin. Contrairement à ce que prétendent les demandeurs, les interventions policières sont bien documentées par des notes dans les calepins des policiers et dans différents rapports. Durant une enquête de près de 1 an, seulement 3 notes n’ont pas été prises par les policiers alors que les circonstances le requéraient. Cette situation ne porte pas atteinte à la capacité des demandeurs de présenter une défense pleine et entière. Le fait qu’un sergent-détective a erronément conclu qu’une arme à feu saisie chez l’un des demandeurs était une arme prohibée n’entraîne pas la responsabilité de la SQ, d’une part, parce le lien de préposition n’a pas été démontré — le sergent-détective étant alors affecté à une unité chapeautée par la Gendarmerie royale du Canada — et, d’autre part, parce qu’il n’y aucun lien de causalité entre cette erreur et l’incarcération des demandeurs.
L’arrestation de la demanderesse, survenue après qu’elle a été conduite au poste de police à titre de témoin pendant qu’une perquisition se déroulait dans une maison lui appartenant, ne lui a causé aucun dommage puisqu’elle a été libérée peu de temps après et que le seul préjudice allégué a trait à la détresse dans laquelle elle se trouvait parce que toute sa famille était accusée et emprisonnée.
Quant à la non-exécution du mandat d’extraction de données, les policiers bénéficient d’une certaine latitude dans le cadre de leurs fonctions ou de leurs enquêtes, notamment quant à la décision d’exécuter ou non un mandat; en l’espèce, les demandeurs n’ont pas démontré que les policiers avaient commis une faute ou agi de mauvaise foi. Ils n’ont pas non plus prouvé leurs allégations selon lesquelles le contenu du matériel informatique qui avait été saisi et qui leur a été remis après l’arrêt des procédures avait été entièrement effacé. Toutefois, pour les dommages causés à certains biens saisis, l’un des demandeurs a droit à 2 500 $ et un autre, à 22 500 $. Enfin, la SQ n’a pas manqué à ses obligations de communiquer les renseignements au DPCP et, même si le communiqué de presse qu’elle a rédigé à la suite de l’arrestation des demandeurs comportait certaines erreurs, aucun préjudice n’en a découlé.
Le DPCP, quant à lui, avait des motifs raisonnables et probables pour accuser et maintenir les accusations contre 3 des demandeurs. De plus, il n’y a aucune preuve indiquant que le procureur responsable du dossier était animé d’une intention malveillante et qu’il a abusé de ses pouvoirs ou perverti le processus judiciaire. La divulgation de la preuve dite policière s’est faite rapidement. Le DPCP n’a retenu aucune preuve en sa possession. Par ailleurs, certains documents provenant de Santé Canada ont été communiqués tardivement avant le procès. Or, il ne s’agit pas d’une preuve qui aurait été communiquée durant le procès ou encore qui n’aurait jamais été divulguée et qui aurait été découverte par la défense après le procès. En outre, il n’y a eu ni destruction ou perte de preuve ni tentative de cacher ou de retenir une preuve; il est plutôt question d’un désaccord sur le régime de divulgation applicable et sur la pertinence de certains documents. Les demandeurs, qui ont bénéficié d’un arrêt des procédures parce que les délais rattachés à la divulgation de la preuve violaient leur droit d’être jugés dans un délai raisonnable, n’ont subi aucun préjudice de cette divulgation tardive. En effet, aucune preuve ne démontre qu’une divulgation plus hâtive aurait permis la remise en liberté des demandeurs, le retrait des accusations ou le rejet de celles-ci avant l’arrêt des procédures.
Le texte intégral de la décision est disponible ici.
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