3223701 Canada inc. c. Agence du revenu du Québec, 2024 QCCA 1361
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
FISCALITÉ : Le délai de 6 mois prévu à l’article 25.3 de la Loi sur l’administration fiscale n’est pas un délai de prescription, mais plutôt un délai de déchéance; la renonciation à faire appliquer le délai normal de cotisation n’a donc pour effet ni de prolonger, ni de suspendre, ni d’interrompre ce délai.
2024EXP-2567***
Intitulé : 3223701 Canada inc. c. Agence du revenu du Québec, 2024 QCCA 1361
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal
Décision de : Juges Suzanne Gagné, Guy Cournoyer et Judith Harvie
Date : 15 octobre 2024
Références : SOQUIJ AZ-52064146, 2024EXP-2567 (18 pages)
FISCALITÉ — procédure et administration fiscale — divers — cotisation fiscale — taxe de vente du Québec — prescription — renonciation — avis de révocation — interprétation de l’article 25.3 de la Loi sur l’administration fiscale — délai de déchéance — principes de la prévisibilité, de la certitude et de l’équité — appel.
FISCALITÉ — vente du Québec (taxe sur la) — cotisation fiscale — taxe de vente du Québec — prescription — renonciation — avis de révocation — interprétation de l’article 25.3 de la Loi sur l’administration fiscale — délai de déchéance — principes de la prévisibilité, de la certitude et de l’équité — appel.
ADMINISTRATIF (DROIT) — contrôle judiciaire — cas d’application — fiscalité — taxe de vente du Québec — cotisation fiscale — prescription — renonciation — avis de révocation — interprétation de l’article 25.3 de la Loi sur l’administration fiscale — délai de déchéance — principes de la prévisibilité, de la certitude et de l’équité — appel.
Appel d’un jugement de la Cour du Québec portant sur une question de droit. Accueilli.
La Loi sur l’administration fiscale accorde au ministre du Revenu un délai de 4 ans pour déterminer ou déterminer de nouveau le montant des droits, remboursements, intérêts et pénalités dont une personne est redevable en vertu d’une loi fiscale. Après ce délai normal, le ministre peut transmettre un avis de cotisation en tout temps si, entre autres situations, une renonciation lui a été transmise. Une telle renonciation peut être révoquée en tout temps. L’article 25.3 de la Loi sur l’administration fiscale accorde alors au ministre un délai de 6 mois pour faire une nouvelle détermination.
L’Agence du revenu du Québec (ARQ) prétend que ce délai de 6 mois est un délai de prescription. Elle invoque la Loi concernant principalement la mise en oeuvre de certaines dispositions du discours sur le budget du 10 mars 2020, qui, en raison de la pandémie de la COVID-19, a suspendu les délais de prescription applicables à une cotisation ou à une détermination établie en vertu d’une loi fiscale. S’il s’agit plutôt d’un délai de déchéance, le droit du ministre de faire une nouvelle détermination est éteint. L’ARQ ne peut alors invoquer le paragraphe 1 de l’article 41 de la Loi concernant principalement la mise en oeuvre de certaines dispositions du discours sur le budget du 10 mars 2020.
Décision
Mme la juge Gagné: Le juge de première instance a erré en déterminant que le délai prévu à l’article 25.3 de la Loi sur l’administration fiscale n’est pas un délai de déchéance, mais plutôt le «prolongement du délai normal de cotisation, pour lequel [l’appelante] a signé une renonciation».
Ce délai présente en effet les 3 caractères propres à un délai de déchéance: il est bref (6 mois); les termes employés par la loi sont impératifs (le ministre «ne peut faire une telle détermination»); et, surtout, son but ainsi que son rôle dans le régime permettent de conclure que le législateur a voulu protéger les contribuables qui renoncent au délai normal en mettant rapidement fin à la possibilité pour le ministre de faire une nouvelle cotisation en vertu d’une renonciation. Cette interprétation est celle qui s’harmonise le mieux avec les «principes de prévisibilité, de certitude et d’équité» du droit fiscal.
Le délai normal de 4 ans énoncé à l’article 25 de la Loi sur l’administration fiscale et celui de 6 mois se trouvant l’article 25.3 sont 2 délais distincts. Le second n’est pas le prolongement du premier. La renonciation prévue au paragraphe b) de l’article 25.1 de cette loi vise le délai normal de 4 ans. Elle permet au ministre de transmettre un avis de cotisation après l’expiration de ce délai, mais elle ne prolonge pas celui-ci. Le délai normal n’est pas un délai de déchéance puisque le contribuable peut y renoncer. À l’inverse, le délai de 6 mois constitue une sorte de délai de grâce à l’expiration duquel le ministre «ne peut faire une telle détermination». Les termes de la disposition sont clairs et aucune prolongation n’est possible.
La renonciation à faire appliquer le délai normal n’a donc pas pour effet de prolonger, de suspendre ou d’interrompre ce délai. Elle crée une situation d’exception à laquelle la révocation met fin. Le ministre dispose alors d’un délai de 6 mois pour «déterminer de nouveau le montant des droits, remboursements, intérêts et pénalités en vertu d’une loi fiscale». Il s’agit d’un délai de déchéance, de sorte que la suspension des délais de prescription prévue par la Loi concernant principalement la mise en oeuvre de certaines dispositions du discours sur le budget du 10 mars 2020 n’est d’aucun secours à l’ARQ.
Instance précédente : Juge Daniel Bourgeois, C.Q., Division administrative et d’appel, Montréal, 500-80-042940-222, 2023-09-28, 2023 QCCQ 6606, SOQUIJ AZ-51972231.
Réf. ant : (C.Q., 2023-09-28), 2023 QCCQ 6606, SOQUIJ AZ-51972231, 2023EXP-2586; (C.A., 2023-11-30), 2023 QCCA 1503, SOQUIJ AZ-51986716.
Le texte intégral de la décision est disponible ici.
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