par
Pierre-Luc Beauchesne
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16 Déc 2013

Commission du courtier immobilier et preuve de réclamation de biens

Par Pierre-Luc Beauchesne, Gowling Lafleur Henderson S.E.N.C.R.L.


Par Pierre-Luc Beauchesne
Gowling Lafleur Henderson s.e.n.c.r.l., s.r.l.
Dans Groupe Sutton Royal Inc. (Syndic de) (2013 QCCS 5934), la Cour confirme la décision du syndic qui avait rejeté les preuves de réclamation de biens soumises en vertu de l’article 81(1) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité de courtiers qui tentaient de réclamer des commission qui avaient été déposées dans l’un des comptes de banque de la débitrice.  La Cour conclut que les courtiers n’ont aucun droit de revendication dans les commissions déposées et que celles-ci sont des créances du failli et font partie intégrante de son patrimoine. 

 

Les faits
En avril 2012, la Banque TD procède à une enquête sur les comptes bancaires de la débitrice qui est soupçonnée d’avoir mis en place un stratagème de cavalerie de chèques (« kiting »). Alors que les comptes de la débitrice sont gelés par la banque, deux autres comptes sont ouverts auprès de la BMO. L’un de ces comptes sert à déposer les commissions qui sont générées par les courtiers. La Banque TD intente des procédures le 27 avril 2012 et saisit avant jugement notamment le compte de banque à la BMO où sont déposées les commissions des courtiers. La débitrice fait cession de ses biens le 3 décembre 2012.
Les courtiers s’appuient sur l’article 81(1) LFI afin de réclamer les commissions qui se retrouvent dans le compte de banque à la BMO.
Analyse
Le Tribunal conclut tout d’abord que les courtiers ne sont pas des salariés et ne sont pas liés à la débitrice par un contrat de travail. Par conséquent, les rétributions qu’ils reçoivent ne peuvent être considérées comme un salaire, mais plutôt comme le prix convenu pour réaliser le contrat.
La Cour conclut ensuite que les courtiers n’ont aucun droit de revendication dans les commissions qui ont été déposées au compte de banque de la débitrice à la BMO.

«[ 40] Contrairement aux faits de l’instance dans l’affaire Midland Pacific Properties, dans notre affaire la preuve démontre que Sutton-Royal ne détenait pas les fonds en litige dans un compte en fidéicommis. Rien dans la preuve ne permet de conclure à l’existence d’une fiducie au sens du Code civil du Québec

[41] Bien qu’il soit tentant de penser à l’existence d’une fiducie de facto, concept encore non approuvé par les tribunaux civils, qu’il suffise, pour écarter cette possibilité, de constater que l’argent en litige n’a jamais fait partie du patrimoine des courtiers. Par voie de conséquence, impossible pour ceux-ci de prétendre au titre de constituant d’une pareille fiducie au sens de l’article 1260 C.c.Q. 

[42] La seule fiducie à laquelle pouvaient prétendre les courtiers serait celle de la common law connue comme étant la fiducie par interprétation (implied trust). La notion de traçabilité est au cœur même du concept de la fiducie par interprétation. Toutefois, il est dorénavant bien établi que les implied trusts, les resulting trusts, les purpose trusts ou les constructive trusts ne sont pas inclus dans les dispositions du Code civil du Québec tel qu’adopté en 1994. 

[43] Il faut en déduire que l’exclusion législative de l’article 67 (1) a) L.f.i. doit être limitée à la notion de fiducie sous toutes les formes prévues au Code civil du Québec (art. 1262) ou à la fiducie statutaire ou à l’existence d’un véritable compte en fidéicommis, notamment celui d’un avocat qui détient des fonds pour un client ou d’un contrôleur ou syndic qui détiendrait des fonds pour payer un arrangement homologué ou une proposition concordataire acceptée.
[44] En l’instance, les courtiers ne détiennent aucun droit de revendication dans la chose. Les sommes déposées au compte bancaire de Sutton-Royal auprès de la BMO sont des biens (créances) du failli[ et font partie intégrante du patrimoine de la débitrice-faillie lequel constitue le gage commun de ses créanciers.
[45] Les courtiers sont des créanciers chirographaires dans la faillite de Sutton-Royal. »

La Cour rappelle finalement que le principe d’« equity » de la common law  tel qu’énoncé dans la cause Ex parte James ne trouve pas application au Québec. La Cour ne peut toutefois conclure que le syndic avait agi de manière excessive et déraisonnable allant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi.
La requête des courtiers immobiliers est donc rejetée, le tout sans frais.
Le texte intégral de la décision est disponible ici.

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