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SOQUIJ
Intelligence juridique
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06 Fév 2015

SÛRETÉS : Il y a lieu d’infirmer le jugement ayant ordonné le report d’une hypothèque immobilière rendu par la juge de première instance, qui a commis une erreur manifeste et déterminante dans le contexte du remède exceptionnel qui lui était demandé au stade de l’ordonnance de sauvegarde; elle devait examiner le report «sous tous ses angles» plutôt que limiter son analyse à l’examen du risque relatif à l’opération de la compensation judiciaire.

Par SOQUIJ, Intelligence juridique

2015EXP-428
Intitulé : Groupe conseil CCI inc. c. Perreault, 2015 QCCA 60
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal, 500-09-024527-145
Décision de : Juges Jacques Chamberland, François Doyon et Geneviève Marcotte
Date : 19 janvier 2015
Références : SOQUIJ AZ-51142197, 2015EXP-428, J.E. 2015-214 (8 pages)

Résumé
SÛRETÉS — hypothèque — principes généraux — report de l’hypothèque — report sur une somme consignée — compensation — prêt d’argent — prêt hypothécaire — obligation du créancier — perte de garantie hypothécaire — ordonnance de sauvegarde — préjudice sérieux et irréparable — prépondérance des inconvénients — erreur manifeste et déterminante.
Appel d’un jugement interlocutoire de la Cour supérieure ayant ordonné le report d’une hypothèque immobilière au stade de l’ordonnance de sauvegarde. Accueilli.
En septembre 2013, l’appelante a poursuivi les intimés en recouvrement d’un prêt de 75 000 $ et elle leur a également réclamé les intérêts impayés. Aux termes de leur demande reconventionnelle, ces derniers lui ont réclamé des dommages-intérêts, alléguant qu’elle avait omis de donner suite à son engagement de leur prêter une somme totale de 250 000 $ et soutenant avoir subi des dommages de 54 000 $. En décembre, ils ont consigné au greffe une somme de 66 851 $ et ils ont versé à l’appelante 4 000 $ pour tenir lieu du paiement des intérêts. En outre, ils ont offert de déposer au greffe des traites bancaires de 8 148 $ et de 3 674 $ en vue de parfaire le montant consigné. C’est dans ce contexte qu’ils ont présenté leur requête pour report de l’hypothèque sur les sommes consignées en application des articles 2678 et 3066 du Code civil du Québec. La juge de première instance a conclu que l’apparence de droit des intimés n’était pas certaine, car elle était douteuse, sans toutefois être inexistante. Quant au critère du préjudice sérieux et irréparable, elle a retenu que, à la lumière du litige et de la condamnation antérieure pour fraude de Daher, l’alter ego de l’appelante, et comme celle-ci n’a pour seule activité que le prêt visé par son recours, il y avait un risque que les intimés ne puissent lui opposer la compensation judiciaire. Tout en reconnaissant que la consignation aurait pour conséquence d’obliger l’appelante à attendre la fin du litige avant de «pouvoir espérer toucher son dû», elle a déterminé qu’il n’y avait pas préjudice irréparable pour elle dans le contexte de la consignation. Enfin, la juge a déterminé que, en raison de l’offre des intimés d’acquitter la créance garantie prioritaire du ministère du Revenu inscrite sur l’immeuble, la prépondérance des inconvénients favorisait les intimés et elle a autorisé le report de l’hypothèque en cause.
Décision
Mme la juge Marcotte : La demande de report d’hypothèque est un recours exceptionnel qui cherche généralement à maintenir le statu quo, à préserver l’équilibre entre les parties ou à réduire les effets de violations alléguées dans un contexte urgent et exceptionnel. Dans 9126-6403 Québec inc. c. Sofim inc. (C.S., 2010-10-29), 2010 QCCS 5966, SOQUIJ AZ-50696674, 2011EXP-237, J.E. 2011-131, la Cour supérieure a signalé la difficulté de concilier le report de l’hypothèque avec l’ordonnance de sauvegarde et a insisté sur la prudence dont doit faire preuve le tribunal saisi d’une telle demande, en soulignant son caractère irrémédiable. En l’espèce, la juge, dans son analyse des critères du préjudice sérieux et irréparable et de la prépondérance des inconvénients, a omis de considérer que la somme réclamée dans le recours principal était largement supérieure à la valeur des dommages-intérêts réclamés par les intimés. Or, à la lumière du solde réclamé par l’établissement financier (plus de 328 000 $) et du montant de la mise à prix (380 000 $), le plein remboursement de la dette demeure plutôt improbable et le risque d’une impossibilité d’opérer compensation judiciaire s’en trouve fortement réduit. De plus, la juge n’a pas davantage examiné les conséquences du report de l’hypothèque pour le créancier hypothécaire ni n’a tenu compte du risque que d’autres créances fiscales s’ajoutent à celles déjà connues. À cet égard, elle n’a pas analysé le «risque additionnel» que présente la perte de la garantie hypothécaire par le report de l’hypothèque sur les sommes consignées qui demeurent à la portée d’une saisie par les créanciers prioritaires. La juge a commis une erreur manifeste et déterminante dans le contexte du remède exceptionnel qui lui était demandé au stade de l’ordonnance de sauvegarde, alors que la situation commandait qu’elle examine le report «sous tous ses angles» plutôt que de limiter son analyse à l’examen du risque relatif à l’opération de la compensation judiciaire, comme elle l’a fait. Il y a donc lieu d’infirmer son jugement interlocutoire et de rejeter la requête en report d’hypothèque.

Instance précédente : Juge Chantal Corriveau, C.S., Montréal, 500-17-079091-131, 2014-06-03, 2014 QCCS 2541, SOQUIJ AZ-51079326.

Réf. ant : (C.S., 2014-06-03), 2014 QCCS 2541, SOQUIJ AZ-51079326, 2014EXP-2476, J.E. 2014-1419; (C.A., 2014-09-04), 2014 QCCA 1616, SOQUIJ AZ-51105811, 2014EXP-2793.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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