par
Sophie Lecomte
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06 Sep 2016

Révision de la garde des enfants : critères à considérer

Par Sophie Lecomte, avocate

Par Sophie Lecomte
Avocate

Dans son arrêt Droit de la famille — 162193, 2016 QCCS
4108, la Cour supérieure rappelle les critères applicables lorsqu’un changement
significatif oblige une révision des modalités de garde de l’enfant mineur.


Faits

En 2014, la Cour avait
confié aux parties la garde partagée de l’enfant mineur, à raison d’une semaine
sur deux. Les mesures accessoires prévoyaient que la garde serait révisée à
l’entrée à temps plein de l’enfant à l’école, vu l’éloignement
géographique des parties.

L’enfant faisant sa rentrée
à l’école sous peu, le demandeur este en justice pour demander la révision des
mesures accessoires, soit que la Cour lui accorde la garde à temps plein.



Décision et analyse

La Cour prend acte que
l’honorable Martin Bureau qui a prononcé le jugement de divorce des parties en
2014 avait déjà prévu dans les mesures accessoires la nécessité de la révision
des modalités de garde de l’enfant mineur à son entrée à l’école à temps plein,
vu l’éloignement géographique des parents.

L’intérêt supérieur de
l’enfant sera le fil d’Ariane de toute décision de ce type.
[3] Le
tribunal doit donc rendre jugement dans l’intérêt de l’enfant et en tentant de favoriser
la présence la plus importante possible des deux parents dans la vie de
l’enfant
.
(Nous soulignons)

À l’instar des arrêts de principe Droit
de la famille – 071207, 2007 QCCA 710

et A. c. B EYB 2007-119693, la Cour rappelle
ainsi les critères que les juges du fond devront prendre en compte lorsqu’un
changement significatif oblige une révision de la garde accordée :
[4] […] Le
juge de première instance aurait dû évaluer la situation de novo, en fonction du seul
critère usuel en ces matières, à savoir l’intérêt de l’enfant, selon les termes
exprès de l’article 33 C.cQ. et en tenant compte des facteurs qu’énonce ainsi
cet arrêt  […]
Plus particulièrement, le juge
devrait tenir compte notamment des éléments suivants :

a)   l’entente de garde
déjà conclue et la relation actuelle entre l’enfant et le parent gardien;
b)   l’entente déjà
conclue sur le droit d’accès et la relation actuelle entre l’enfant et le parent
qui exerce ce droit;
c)   l’avantage de
maximiser les contacts entre l’enfant et les deux parents;
d)   l’opinion de
l’enfant;
e)   la raison pour
laquelle le parent gardien déménage, uniquement dans le cas exceptionnel où
celle-ci a un rapport avec la capacité du parent de pourvoir aux besoins de
l’enfant;
f)     la
perturbation que peut causer chez l’enfant une modification de la garde;
g)   la perturbation que
peut causer chez l’enfant l’éloignement de sa famille, des écoles et du milieu
auxquels il s’est habitué. »
[5] Aussi,
comme le mentionnait la Cour d’appel dans l’arrêt 
A. c. B. :
«   [11]  
   La juge de première instance rappelle les principes applicables
en la matière, soit la recherche du meilleur intérêt de l’enfant
(article 33 C.c.Q.
 défini par la Cour suprême dans Young c. Young) à partir de facteurs
jurisprudentiels énumérés
par Suzanne Gillet, soit :
–   les besoins de
l’enfant;
–   la capacité
parentale de répondre aux besoins de l’enfant;
–   la relation
affective entre l’enfant et les parents;
–   la relation
affective entre l’enfant et les membres de la famille;
–   la stabilité de
l’enfant;
–   l’environnement
psychosocial de l’enfant;
–   la santé physique et
mentale de l’enfant et de celui qui en revendique la garde;
–   la disponibilité
réelle des parents;
–   les habitudes de vie
des parents, si celles-ci ont une incidence directe sur l’enfant;
–   la non-séparation de
la fratrie;
–   le désir de
l’enfant;
–   la disposition à
favoriser la relation avec l’autre parent. »
(Nous soulignons)

La Cour analyse
les faits du dossier. Elle nous enseigne que certains critères jurisprudentiels
ont plus d’influence que d’autres.
En
l’espèce, vu l’âge de l’enfant, son désir sera un facteur neutre. Vu la preuve
et l’historique du dossier, la Cour observe que les deux parents prennent soin
de leur enfant et qu’ils répondent à ses besoins. Elle constate que les
capacités parentales de l’autre parent ne sont pas non plus en question.
Dans son
raisonnement, la Cour dresse ainsi la liste des critères neutres pour décider
des points qui lui permettront de prendre sa décision, soit :
[13] Il reste donc à décider :
–  la relation affective
entre l’enfant et les membres de la famille;
–  l’environnement psychosocial de
l’enfant;
–  la disposition à favoriser
la relation avec l’autre parent.

S’agissant
de la relation affective entre l’enfant et les membres de la famille, la Cour
dispose que ce critère favorise le demandeur puisque la famille paternelle
habite les environs et que l’enfant mineur prendra l’autobus scolaire avec ses
jeunes cousins avec lesquels il a une bonne relation.
S’agissant de l’environnement
psychosocial de l’enfant, la Cour note que la preuve démontre une relation particulière
entre l’enfant mineur et ses cousins du côté paternel. Ce critère favorise
aussi ici le demandeur.
S’agissant de la disposition à
favoriser la relation avec l’autre parent, la Cour constate que le
demandeur doit être favorisé, notamment car:  
[22] Malgré ses
paroles, la défenderesse a toujours agi de façon à obtenir une garde exclusive
de l’enfant.
[25] Le
témoignage de la défenderesse est rempli de réticences et de contradictions
empêchant le tribunal de lui accorder la crédibilité nécessaire pour que son
témoignage soit retenu sur ce point.

C’est ainsi que la Cour a conclu
de la manière qui suit :
[36] CONFIE au demandeur la garde de l’enfant
X;
[37] ACCORDE à la défenderesse des droits
d’accès auprès de son enfant X :
– une fin de semaine sur deux, du
vendredi 16 heures au dimanche 19 heures. Si le jour précédent ou suivant cette
fin de semaine est un congé scolaire ou pédagogique, la défenderesse pourra
aller chercher l’enfant le jeudi et aller la reconduire le lundi, suivant le
cas;
– une semaine durant les vacances
des Fêtes incluant alternativement le jour de Noël ou le Jour de l’An. Cette
année, les enfants seront avec la défenderesse à Noël;
– une semaine pendant la semaine
de relâche scolaire;
– deux semaines sur quatre pendant
la période de vacances d’été;
– et à tout autre moment convenu
entre les parties.

Lorsqu’un
changement significatif oblige une révision de la garde accordée, la Cour devra
prendre en compte un certain nombre de critères rappelés ici. Le
tribunal est investi d’un pouvoir
discrétionnaire et, à la lumière de tous ces critères, il déterminera où se
situe l’intérêt de l’enfant édicté à l’article 33 C.c.Q. Il sera préféré que
l’enfant conserve ses habitudes, son école, ses amis. Entre autres, le parent
demandeur devra justifier que ce changement n’est pas lié à quelconque volonté
d’éloigner l’enfant de son autre parent.

La
décision intégrale se trouve ici.

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