par
Alessandra Ionata
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09 Jan 2017

Une demande pour permission d’appeler d’une requête en rétractation de jugement, sous le nouveau Code de procédure civile

Par Alessandra Ionata


Par Alessandra Ionata
Avocate

Dans l’arrêt Canadian Royalties
Inc.
c. Mines de nickel Nearctic inc.,
2016 QCCA 2050, l’hon. Manon Savard, J.C.A., se prononce sur une Requête pour permission d’appeler d’un
jugement rendu en cours d’instance
déposée suite au jugement rendu par l’hon.
Michel A. Pinsonnault, J.C.S., accueillant une requête en rétractation de
jugement formulée par les intimées.



Faits

Le 7 octobre 2016, l’hon. Michel A. Pinsonnault, J.C.S., rend un
jugement suite au pourvoi des intimées en rétractation d’un jugement homologuant
une sentence arbitrale prononcée dans le cadre d’un litige commercial opposant
les parties.

Conformément à l’article 345(4) C.p.c., l’hon. Michel A. Pinsonnault,
J.C.S., considère que les intimées ont présenté une preuve qui aurait
probablement rendu un jugement différent, si cette preuve avait été connue en
temps utile. En effet, les intimées ont découvert que le cabinet d’avocat au sein
duquel travaillait l’arbitre au moment de sa nomination par les parties en
2011, avait agi auparavant pour les underwriters
de la requérante. L’hon. Michel A. Pinsonnault, J.C.S., estime que cette
situation présente un conflit d’intérêts sérieux ou une apparence sérieuse de
conflit d’intérêts de la part du cabinet d’avocats et de l’arbitre.

Considérant ce qui précède, l’hon. Michel A. Pinsonnault, J.C.S.,
prononce le dispositif suivant :  

« FOR THOSE REASONS, THE COURT:

[219] GRANTS the Motion in revocation of the Defendants/Petitioners,
Nearctic Nickel Mines Inc. and Ungava Mineral Exploration Inc.;

[220] REVOKES the judgment rendered on December 19th, 2014 by the
Honourable Martin Castonguay homologating a commercial Arbitration Award dated
on August 27, 2014 and an Award of Rectification dated September 24, 2014 (the
“Homologation Judgment”);

[221] SUSPENDS the execution of the Homologation Judgment rendered on  December 19th, 2014 in the present instance;

[222] Consequently, ORDERS that the parties be placed forthwith in the
position in which they were prior to the Homologation Judgment just as if the
said judgment had never been rendered;

[223] ORDERS the reopening of the hearing in court file number
500-11-047679-143 relating to the Application of Plaintiff Canadian Royalties
Inc. to homologate the Award rendered on August 27, 2014 as rectified by the
Award of Rectification dated September 24, 2014;

[224] REFERS this matter to the Coordinating Judge of the Commercial Division
to set a date of hearing as soon as the Parties herein shall have filed their
“Joint Declaration that a file is complete (Commercial Division Form)”; 

[225] THE WHOLE, with costs. »

Position
des parties

En appel, la requérante fonde sa demande pour permission d’appeler sur
l’article 31 C.p.c. et invoque les motifs d’appel suivants à l’encontre de la
décision de première instance :

« (1) de s’être mépris sur le processus de rétractation instauré
par les dispositions du nouveau Code de procédure civile en prononçant
immédiatement la rétractation du jugement en homologation;  (2) d’avoir analysé l’existence d’un conflit
d’intérêt à la lumière des règles applicables aux avocats plutôt que de celles
propres aux décideurs; (3) d’avoir conclu à l’existence d’une preuve répondant
aux exigences du paragraphe 4 du second alinéa de l’article 345 C.p.c.; et,
finalement, (4) d’avoir erré quant aux intentions de la requérante et de ses
avocats qui n’avaient pas dénoncé aux intimées le fait litigieux en temps
opportun ».

Les intimées contestent la demande pour permission d’appeler en
protestant que le jugement de première instance n’est pas susceptible d’appel
immédiat, selon l’article 31 C.p.c.

De plus, elles soulèvent que l’hon. Manon Savard, J.C.A, devrait
considérer le jugement entrepris au même titre qu’un jugement accueillant une
requête en rétractation de jugement à l’étape de la réception.

Malgré ce qui précède, les intimées soutiennent que les conditions de
l’article 31 C.p.c. ne sont pas rencontrées. En effet, le juge saisit de la
demande en homologation devra éventuellement se prononcer sur l’existence ou
non d’un conflit d’intérêts et l’effet de la demande en homologation.

Analyse
de la Cour

Le pourvoi en rétractation de jugement est régi par les articles 345 et
suivants C.p.c.

L’article 348 C.p.c. porte sur la procédure à suivre par le tribunal
saisit d’une demande en rétractation de jugement, lequel nous reproduisons
ci-après :

 « 348. Si, lors de la
présentation du pourvoi en rétractation, le motif invoqué est jugé suffisant,
les parties sont remises en l’état et le tribunal suspend l’exécution du
jugement; il poursuit l’instance originaire après avoir convenu d’un nouveau
protocole de l’instance avec les parties.

Le tribunal peut, si les circonstances s’y prêtent, se prononcer en même
temps sur le pourvoi et sur la demande originaire. »
           
Pour appuyer sa position, l’hon. Manon Savard, J.C.A., reprend les
commentaires de la ministre de la Justice sur l’interprétation à donner à
l’article 348 C.p.c.

Bien que cet article reprenne le droit antérieur, les distinctions
techniques de rescindant et de rescisoire ne tiennent plus. L’article 348
C.p.c. ne formalise plus la procédure sur ces deux (2) étapes.  

L’hon. Manon Savard, J.C.A., soulève que, de façon générale, la
jurisprudence démontre que les tribunaux de première instance voient de cette
modification législative l’abolition du stade de la réception. La rétractation
de jugement ne se ferait qu’en une seule étape, soit lors de la présentation de
la rétractation. D’autres considèrent la décision prononcée dans un premier
temps comme étant une décision définitive quant aux motifs de rétractation et
prononcent la suspension et la rétractation en même temps. L’hon. Manon Savard,
J.C.A. analyse les tendances sur la nature et la portée d’une décision fondée
sur l’article 348 C.p.c. comme suit :

« [8] Or, cette différence d’approche quant à la nature et la
portée de la décision du juge qui décide, selon le premier alinéa de l’article
348 C.p.c. « que le motif invoqué est jugé suffisant » et qui « poursuit
l’instance originaire après avoir convenu d’un nouveau protocole de l’instance
entre les parties » est importante aux fins de déterminer si le jugement à
cette étape du pourvoi en rétractation est susceptible ou non d’un appel
immédiat. Si un tel jugement s’inspire de l’étape de la réception comme elle
existait sous l’ancien Code de procédure, on pourrait alors y voir « un
jugement préparatoire […] exempt d’effets irrémédiables » et ne satisfaisant
pas les conditions de l’article 31 C.p.c. Si par ailleurs, le juge se prononce
de façon définitive sur les moyens justifiant la rétractation, sa portée
pourrait être différente au sens de l’article 31 C.p.c. On devra alors
s’interroger quant à savoir si un tel jugement décide « en partie du litige »,
alors que le sort ultime de la demande originaire n’est pas encore tranché,
lequel repose en l’occurrence sur le même motif que celui justifiant la
rétractation (conflit d’intérêt allégué). Ou encore, on pourrait poser la
question quant à savoir si un tel jugement peut être assimilé à un jugement
prononcé à la suite d’une scission d’instance puisque le juge se prononce, de
fait, de façon définitive, sur les motifs de la rétractation, scission pouvant
découler du libellé de l’article 348 C.p.c. selon l’interprétation retenue ou
même de la décision du juge. »

(Références omises)

Le pourvoi soulève une question d’interprétation des nouvelles
dispositions du Code de procédure civile,
sur laquelle la Cour d’appel ne s’est jamais prononcée.

Considérant ce qui précède, l’hon. Manon Savard, J.C.A., défère la
requête pour permission d’appeler à une formation de trois (3) jours de la Cour,
laquelle décidera si le jugement entrepris est susceptible d’appel immédiat. Le
cas échéant, la formation devra décider si la permission doit être accueillie
et se prononcer sur le fond du pourvoi. Ladite requête sera entendue le 26
avril 2017 par la Cour d’appel.

Le texte intégral de la décision est disponible ici.

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