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02 Oct 2020

Sélection SOQUIJ – DROITS ET LIBERTÉS : Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (D.R. et autres) c. Ducharme, 2020 QCTDP 16

Par SOQUIJ, Intelligence juridique

DROITS ET LIBERTÉS :
Le locateur, qui a refusé de louer un logement aux plaignants et à leur
fils X en raison de la présence du chien d’assistance de ce dernier, a
compromis leur droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, de
leur droit de conclure un acte juridique ayant pour objet des biens ou des
services ordinairement offerts au public, ainsi que de leur droit à la
sauvegarde de leur dignité, sans distinction ou exclusion fondée sur un moyen
pour pallier un handicap ou sur l’état civil, en violation des articles 4,
10 et 12 de la Charte des droits et libertés de la personne.


2020EXP-2193

Intitulé : Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (D.R.
et autres) c. Ducharme, 2020 QCTDP 16

Juridiction : Tribunal des droits de la personne (T.D.P.Q.), Beauharnois
(Salaberry-de-Valleyfield)

Décision de : Juge Mario Gervais, Me Carolina Manganelli et Me Myriam
Paris-Boukdjadja, assesseures

Date : 4 septembre 2020

Références : SOQUIJ AZ-51707614, 2020EXP-2193 (34 pages)

Résumé

DROITS ET LIBERTÉS
— droit à l’égalité — actes discriminatoires — acte juridique — bail
d’habitation — logement offert au public — droit de posséder un animal — refus
de louer — parent — enfant atteint d’un trouble envahissant du développement
avec traits autistiques — chien d’assistance — défense de justification —
appréciation de la preuve — atteinte à la dignité — atteinte illicite et
intentionnelle — dommages-intérêts — dommage non pécuniaire — dommages
punitifs.

DROITS ET LIBERTÉS
— droit à l’égalité — motifs de discrimination — handicap ou déficience —
enfant atteint d’un trouble envahissant du développement avec traits
autistiques — chien d’assistance — bail d’habitation — refus de louer — parent
— défense de justification — appréciation de la preuve — atteinte à la dignité
— dommages-intérêts — dommage non pécuniaire — dommages punitifs.

DROITS ET LIBERTÉS
— droits et libertés fondamentaux — dignité — bail d’habitation — handicap —
enfant atteint d’un trouble envahissant du développement avec traits autistiques
— chien d’assistance — refus de louer — parent — défense de justification —
appréciation de la preuve — atteinte illicite et intentionnelle — dommage non
pécuniaire — dommages punitifs.

DOMMAGE
(ÉVALUATION) — dommage moral — discrimination — bail d’habitation — refus de
louer — handicap — enfant atteint d’un trouble envahissant du développement
avec traits autistiques — chien d’assistance — état parental — atteinte à la
dignité.

DOMMAGE
(ÉVALUATION) — dommage exemplaire ou dommage punitif — Charte des
droits et libertés de la personne
 — atteinte à la dignité —
discrimination — bail d’habitation — refus de louer — handicap — enfant atteint
d’un trouble envahissant du développement avec traits autistiques — chien
d’assistance — état parental — atteinte illicite et intentionnelle.

DOMMAGE
(ÉVALUATION) — dommage aux biens — différence de loyer — bail d’habitation —
refus de louer — discrimination — handicap — enfant — chien d’assistance.

DROITS ET LIBERTÉS
— droit à l’égalité — motifs de discrimination — état civil (et situation de
famille) — bail d’habitation — handicap — enfant atteint d’une trouble
envahissant du développement avec traits autistiques — chien d’assistance —
refus de louer — parent — défense de justification — appréciation de la preuve
— atteinte illicite et intentionnelle — dommage non pécuniaire — dommages
punitifs.

Demande en réclamation de
dommages-intérêts, de dommages moraux et de dommages punitifs
(15 180 $). Accueillie en partie (13 940 $).

La Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse allègue que, en avril 2016, le défendeur a refusé
de louer un logement aux plaignants et à leur fils X en raison de la présence
du chien d’assistance de ce dernier. La Commission soutient que le défendeur a
ainsi compromis leur droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine
égalité, de leur droit de conclure un acte juridique ayant pour objet des biens
ou des services ordinairement offerts au public, ainsi que leur droit à la
sauvegarde de leur dignité, sans distinction ou exclusion fondée sur le moyen
pour pallier le handicap ou sur l’état civil, en violation des articles 4,
10 et 12 de la Charte des droits et libertés de la personne. La
Commission demande que le défendeur soit condamné à payer 1 680 $ en
dommages matériels, 12 000 $ en dommages moraux et 1 500 $
en dommages punitifs.

 

Décision
En matière de discrimination, l’article 10 de la charte requiert que le
demandeur apporte une preuve prépondérante des 3 éléments suivants:
1) une distinction, exclusion ou préférence; 2) qui est fondée sur
l’un des motifs énumérés au premier alinéa de cet article; et 3) qui a
pour effet de détruire ou de compromettre le droit à la pleine égalité dans la
reconnaissance et l’exercice d’un droit ou d’une liberté de la personne.

En l’espèce, l’existence d’une distinction, exclusion ou préférence est
démontrée par le refus du défendeur de conclure avec les plaignants un acte
juridique, soit un bail de logement pour leur famille. La preuve révèle aussi
que ce refus était fondé sur l’un des motifs énoncés au premier alinéa de
l’article 10 de la charte, soit l’utilisation par X d’un moyen pour pallier son
handicap, en l’occurrence de recourir à un chien d’assistance provenant de la
Fondation Mira. Or, le droit d’une personne atteinte d’un trouble envahissant
du développement d’avoir recours à un chien d’assistance pour pallier cette
déficience est bien établi en jurisprudence. En outre, en tant que parents d’un
enfant handicapé ayant recours à un chien d’assistance pour pallier cet état, les
plaignants ont été bouleversés et ont été victimes de discrimination sur la
base de leur état civil. Bien que le défendeur ait tenté de réfuter le motif
allégué de son refus, il a admis que la présence d’un chien d’assistance avait
largement contribué à sa décision de refuser la location du logement à cette
famille. Or, il suffit que le motif prohibé de discrimination ait été un
facteur ayant mené à la décision pour établir la preuve d’une discrimination.
De plus, un locateur ne peut se retrancher derrière le fait qu’il s’était déjà
engagé auparavant envers une autre personne pour éluder sa responsabilité.
Ainsi, indépendamment du fait que, pour le défendeur, la famille des plaignants
ne constituait qu’une solution de rechange en cas de désistement de la personne
à laquelle le logement avait été promis, il lui était expressément interdit de
faire une sélection discriminatoire. Dans ces circonstances, il y a lieu de
conclure que, en écartant la candidature de cette famille en tant que locataire
d’un logement qu’il offrait au public en raison de la présence du chien
d’assistance, le défendeur a manifestement refusé de «conclure un acte
juridique ayant pour objet des biens ou des services ordinairement offerts au
public», en violation de l’article 12 de la charte. De plus, les membres de
cette famille ont subi une atteinte discriminatoire à leur droit à la
sauvegarde de leur dignité (art. 4 de la charte).

Quant au quantum, les plaignants ont droit à 720 $ chacun en compensation
des coûts excédentaires liés au bail du logement de remplacement ainsi qu’à
4 000 $ chacun à titre de dommages moraux. Étant donné que
l’incapacité d’une personne de percevoir ou de comprendre la situation vécue et
la violation de ses droits fondamentaux ne peut faire échec au droit à la compensation
d’un préjudice moral, X a droit, pour sa part, à 3 500 $ à titre de
dommages moraux. À cet égard, la preuve révèle que ses parents, en saisissant
pleinement l’ampleur des événements qui se sont produits, ont été davantage
bouleversés que lui sur le plan psychologique. Enfin, le défendeur est condamné
à payer 1 000 $, répartis entre chacune des 3 victimes, à titre
de dommages punitifs.

 

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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