Sélection SOQUIJ -Droit municipal — Ville de Montréal c. Applebaum, 2021 QCCA 1662
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
MUNICIPAL (DROIT) : L’ex-maire par intérim de la Ville de Montréal, Michael Applebaum, n’aura pas à rembourser les allocations de transition et de départ qu’il a reçues à la suite de sa démission; l’article 31.1.2 de la Loi sur le traitement des élus municipaux, qui crée, dans certains cas, l’obligation de rembourser les allocations de transition et de départ que peut avoir reçues un élu municipal, n’a pas d’effet rétrospectif.
2021EXP-2754
Intitulé : Ville de Montréal c. Applebaum, 2021 QCCA 1662
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal
Décision de : Juges François Doyon, Geneviève Cotnam et Stéphane Sansfaçon
Date : 1er novembre 2021
Références : SOQUIJ AZ-51806393, 2021EXP-2754 (8 pages)
–Résumé
MUNICIPAL (DROIT) — conseil municipal — maire par intérim — allocation de départ — allocation de transition — remboursement — déclaration de culpabilité — fraude — abus de confiance — corruption — complot — infraction punissable par plus de 2 années d’emprisonnement — interprétation de l’article 31.1.2 de la Loi sur le traitement des élus municipaux — absence d’effet rétroactif — absence d’effet rétrospectif.
INTERPRÉTATION DES LOIS — intention du législateur — présomption de non-rétroactivité — absence d’effet rétrospectif — interprétation de l’article 31.1.2 de la Loi sur le traitement des élus municipaux.
Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une demande en remboursement d’allocations de transition et de départ. Rejeté.
L’intimé a occupé des fonctions d’élu à la ville appelante de 1994 à 2013. Le 18 juin 2013, il a démissionné de son poste de maire par intérim à la suite de son arrestation par l’Unité permanente anticorruption. Le 11 juillet suivant, conformément à la Loi sur le traitement des élus municipaux, l’appelante lui a versé une allocation de départ de 108 204 $ et une allocation de transition de 159 719 $. Le 26 janvier 2017, l’intimé a été déclaré coupable de fraude envers le gouvernement, d’abus de confiance, d’actes de corruption et de complot visant à commettre des actes criminels. Les actes en cause ont été commis de 2006 à 2011. Le 30 mars suivant, il a été condamné à une peine totale de 12 mois d’emprisonnement.
S’appuyant sur des modifications apportées à l’article 31.1.2 de la Loi sur le traitement des élus municipaux en 2016 et en 2018, lesquelles encadrent respectivement le paiement des allocations de transition et de départ, l’appelante a réclamé le remboursement des allocations versées à l’intimé en 2013. Le juge de première instance a rejeté son recours.
Décision
Le libellé de l’article 31.1.2 de la loi, et plus particulièrement l’emploi du passé, ne donne pas d’indications claires quant à l’application temporelle de cet article et à la possibilité de l’étendre à des allocations acquises avant l’entrée en vigueur du nouveau régime. Le juge était donc bien fondé, en l’absence d’indications explicites ou d’une disposition transitoire, à recourir aux principes d’interprétation et aux présomptions d’intention établis par la jurisprudence.
Comme le juge l’a souligné, l’application rétroactive ou rétrospective entraîne une conséquence préjudiciable pour l’intimé et modifie de façon importante les droits et obligations des parties tels qu’ils existaient au moment du paiement des allocations. Or, la simple lecture de l’article ne permet pas de conclure que le législateur entendait lui donner une portée rétroactive en l’appliquant à des allocations valablement payées avant l’entrée en vigueur des modifications. Le juge a d’ailleurs tenu compte du contexte de l’adoption de la loi et il n’a pas commis d’erreur en refusant d’y voir un élément confirmant l’intention implicite du législateur de conférer un effet rétroactif à l’article 31.1.2 de la loi.
Enfin, cette disposition est loin d’être inutile puisqu’elle permettra d’éviter la répétition du passé en ce qui concerne les allocations versées postérieurement à l’entrée en vigueur du nouveau régime. En effet, l’élu qui les recevra dorénavant les détiendra à titre précaire et il s’exposera au risque de devoir les rembourser s’il est poursuivi et condamné en lien avec une infraction punissable d’une peine d’emprisonnement supérieure à 2 ans ayant été commise alors que la loi était en vigueur. Le but du législateur, lorsqu’il a adopté ces modifications législatives, était notamment d’inciter les élus municipaux à plus de transparence et d’intégrité. Si le recours en recouvrement s’avère effectivement peu utile dans l’avenir, cela signifiera que l’objectif poursuivi par le nouveau régime aura porté ses fruits.
Instance précédente : Juge Serge Gaudet, C.S., Montréal, 500-17-099541-172, 2020-01-20, 2020 QCCS 87, SOQUIJ AZ-51661249.
Réf. ant : (C.S., 2020-01-20), 2020 QCCS 87, SOQUIJ AZ-51661249, 2020EXP-307.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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