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Intelligence juridique
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31 Oct 2022

SÉLECTION SOQUIJ : Excavations Payette ltée c. Ville de Montréal, 2022 QCCA 1393

Par SOQUIJ, Intelligence juridique

PROCÉDURE CIVILE : La juge de première instance a commis une erreur lorsqu’elle a rejeté la totalité du rapport d’expert soumis par l’appelante, ayant conclu péremptoirement qu’aucune expertise n’était nécessaire dans le dossier.

2022EXP-2594 

Intitulé : Excavations Payette ltée c. Ville de Montréal, 2022 QCCA 1393

Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal

Décision de : Juges Jocelyn F. Rancourt, Sophie Lavallée et Frédéric Bachand

Date : 17 octobre 2022

Références : SOQUIJ AZ-51886488, 2022EXP-2656 (17 pages)

Résumé

PROCÉDURE CIVILE — administration de la preuve — expertise — rapport d’expert — rejet avant l’instruction — rejet complet — irrégularité — opinion juridique — pertinence — gestion de l’instance — protocole de l’instance — complexité de l’affaire — contrat de réfection d’infrastructures — conditions de sol dénoncées dans un appel d’offres — conditions de sol réelles — présence de roc — non-respect des délais — coûts additionnels — nécessité d’une preuve d’expert — prudence — erreur déterminante.

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli une demande en rejet d’un rapport d’expert. Accueilli.

L’appelante a été sélectionnée pour procéder à la réfection d’infrastructures dans un arrondissement de la ville intimée. En raison de conditions du sol qui différaient de celles dénoncées dans l’appel d’offres, elle a été incapable de respecter les délais convenus et elle a dû engager des coûts additionnels. C’est dans ce contexte qu’elle a déposé une demande afin de faire annuler la pénalité qui lui avait été imposée pour son retard et de réclamer ses coûts excédentaires. Tel qu’il avait été convenu au protocole d’instance, l’appelante a communiqué à l’intimée un rapport d’expert concernant les conditions du sol, et plus précisément la quantité de roc réelle sur le chantier ainsi que l’effet de cette quantité quant aux délais prévus et aux coûts. L’intimée a demandé le rejet du rapport en vertu de l’article 241 du Code de procédure civile. La juge de première instance a accueilli cette demande. L’appelante affirme que la juge a erré en rejetant la totalité du rapport, que le protocole d’instance en prévoyait d’ailleurs le dépôt, que ce rapport est utile et pertinent dans le cadre du litige et que ce rejet lui cause un préjudice irrémédiable.

Décision
Mme la juge Lavallée: La juge n’a pas évalué la recevabilité du rapport d’expert en respectant le cadre d’analyse établi dans R. c. Mohan (C.S. Can., 1994-05-05), SOQUIJ AZ-94111042, J.E. 94-778, [1994] 2 R.C.S. 9, et dans White Burgess Langille Inman c. Abbott and Haliburton Co. (C.S. Can., 2015-04-30), 2015 CSC 23, SOQUIJ AZ-51171118, 2015EXP-1385, J.E. 2015-767, [2015] 2 R.C.S. 182, lequel est repris dans Cardinal c. Bonnaud (C.A., 2018-08-27), 2018 QCCA 1357, SOQUIJ AZ-51523906, 2018EXP-2375.

Après avoir relevé et cité plusieurs passages du rapport qu’elle estimait problématiques, la juge a conclu à l’irrégularité de l’expertise, étant d’avis, d’une part, que l’expert formulait des opinions juridiques et, d’autre part, qu’il ne faisait que reprendre la position de l’appelante sans s’appuyer sur une méthodologie reconnue. De plus, elle a jugé que son rapport ne dépassait pas le niveau des connaissances générales, celui-ci ne fournissant aucun apport scientifique ou technique. Or, en ce qui concerne la première conclusion, plusieurs questions en litige étaient de nature technique et, à quelques exceptions près, le rapport ne formulait pas d’opinion juridique. Quant à la seconde conclusion, seuls certains passages ciblés ont été cités par la juge pour étayer sa position. Cette analyse générale et non particularisée ne permettait toutefois pas de conclure que le rapport était atteint d’un vice commandant d’en ordonner le retrait entier au stade préliminaire. Compte tenu des questions en litige, une expertise était nécessaire pour examiner les conséquences sur les délais et le coût des travaux de la quantité réelle de roc sur le chantier, ce dont les parties avaient elles-mêmes convenu dans le protocole d’instance. Par ailleurs, les questions en litige, qui demandent de se prononcer sur une étude géotechnique et de caractérisation des sols jointe à l’appel d’offres, paraissent effectivement être de celles qui nécessitent l’éclairage d’experts. De plus, le montant de l’objet en litige est considérable. Dans ce contexte, la juge a commis une erreur en rejetant la totalité du rapport sans se prononcer en outre sur l’opportunité de la rejeter partiellement. Cette décision a privé l’appelante de son droit d’administrer sa preuve au fond dans un contexte où la matière en litige est complexe, ce qui explique d’ailleurs que le protocole d’instance prévoit expressément le dépôt d’une telle expertise.

Instance précédente : Juge Geeta Narang, C.S., Montréal, 500-17-111587-203, 2021-09-07, 2021 QCCS 3649 (jugement rectifié le 2021-12-17), SOQUIJ AZ-51792628.

Réf. ant : (C.S., 2021-09-07), 2021 QCCS 3649, SOQUIJ AZ-51792628; (C.A., 2021-12-15), 2021 QCCA 1921, SOQUIJ AZ-51818207.

Le texte intégral de la décision est disponible ici.

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