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SOQUIJ
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25 Août 2023

Sommaire de la Cour d’appel : A.T. c. R., 2023 QCCA 1018

Par SOQUIJ, Intelligence juridique

PÉNAL (DROIT) : L’appelant, qui a été déclaré coupable notamment de voies de fait et d’agression sexuelle, a droit à un nouveau procès puisque le juge n’a pas effectué une analyse sérieuse de la crédibilité de celui-ci et de la plaignante et semble s’être appuyé sur des préjugés liés aux habitudes de vie de l’appelant.

22023EXP-1988 ***  

Intitulé : A.T. c. R., 2023 QCCA 1018

Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Québec

Décision de : Juges Marie-France Bich, Michel Beaupré et Guy Cournoyer

Date : 9 août 2023

Références : SOQUIJ AZ-51960035, 2023EXP-1988 (24 pages)

Résumé

PÉNAL (DROIT) — procédure pénale — procédure fédérale — appel — déclaration de culpabilité — arrêt conditionnel des procédures — événements distincts — voies de fait — obligation de motiver une décision — insuffisance des motifs — jugement rendu oralement — appréciation de la preuve — versions contradictoires — application de R. c. W. (D.), (C.S. Can., 1991-03-28), SOQUIJ AZ-91111043, J.E. 91-603, [1991] 1 R.C.S. 742 — appréciation de la preuve — erreur de droit — tenue d’un nouveau procès.

PÉNAL (DROIT) — preuve pénale — appréciation de la preuve — versions contradictoires — application de R. c. W. (D.), (C.S. Can., 1991-03-28), SOQUIJ AZ-91111043, J.E. 91-603, [1991] 1 R.C.S. 742 — crédibilité des témoins — crédibilité de l’accusé — crédibilité de la plaignante — fiabilité — préjugés défavorables — stéréotypes — habitudes de vie de l’appelant — omission de prendre en considération des témoignages pertinents — appel — erreur de droit — obligation de motiver une décision — tenue d’un nouveau procès.

PÉNAL (DROIT) — infraction — infractions de nature sexuelle — agression sexuelle — ancienne conjointe de l’accusé — appel — déclaration de culpabilité — obligation de motiver une décision — insuffisance des motifs — importation sans réserve et mot pour mot, lors du prononcé du jugement, d’une partie de la plaidoirie écrite de la poursuite — jugement rendu oralement — appréciation de la preuve — versions contradictoires — application de R. c. W. (D.), (C.S. Can., 1991-03-28), SOQUIJ AZ-91111043, J.E. 91-603, [1991] 1 R.C.S. 742 — crédibilité des témoins — crédibilité de l’accusé — crédibilité de la plaignante — fiabilité — aspects de la vie de l’appelant — préjugés défavorables — stéréotypes — habitudes de vie de l’appelant — erreur de droit — tenue d’un nouveau procès.

PÉNAL (DROIT) — infraction — infractions contre la personne — voies de fait — voies de fait simples — voies de fait causant des lésions corporelles — voies de fait graves — voies de fait armées — ancienne conjointe de l’accusé — appel — déclaration de culpabilité — arrêt conditionnel des procédures — obligation de motiver une décision — insuffisance des motifs — erreur de droit — tenue d’un nouveau procès.

PÉNAL (DROIT) — infraction — infractions contre la personne — proférer des menaces — menaces de mort — ancienne conjointe de l’accusé — appel — déclaration de culpabilité — erreur de droit — tenue d’un nouveau procès.

PÉNAL (DROIT) — infraction — infractions contre la personne — divers — harcèlement criminel — ancienne conjointe de l’accusé — appel — déclaration de culpabilité — erreur de droit — tenue d’un nouveau procès.

PÉNAL (DROIT) — infraction — infractions contre la personne — enlèvement, séquestration — séquestration — ancienne conjointe de l’accusé — appel — déclaration de culpabilité — erreur de droit — tenue d’un nouveau procès.

Appel de déclarations de culpabilité et d’ordonnances visant l’arrêt conditionnel des procédures. Accueilli; la tenue d’un nouveau procès est ordonnée.

L’appelant se pourvoit à l’encontre d’un jugement rendu par la Cour du Québec qui a l’a déclaré coupable sous 10 des 13 chefs d’accusation portés contre lui, l’a acquitté sous 1 chef et a ordonné l’arrêt conditionnel des procédures sous 2 chefs. Il s’agit d’accusations notamment de voies de fait simples, de voies de fait causant des lésions corporelles, de voies de fait graves, de voies de fait armées et d’agression sexuelle liées à une série de gestes que l’accusé aurait commis à l’endroit de son ancienne conjointe en 2007, en 2018 et en 2019.

Décision

Les motifs du jugement revêtent une importance particulière lorsque le juge du procès doit démêler des éléments de preuve contradictoires portant sur une question clé. Cela est d’autant plus vrai dans les affaires de nature sexuelle où le juge fait face à des versions contradictoires, compte tenu de l’importance centrale de la question de la crédibilité des témoins. L’appréciation de celle-ci et des versions contradictoires revêt un degré d’importance accru en l’espèce, alors que le procès ne concernait pas uniquement une agression sexuelle survenue à un moment déterminé, mais également 12 événements distincts et éloignés dans le temps, dont certains ont été relatés par plus de 1 témoin. Une justice criminelle garante de la confiance du public, en faveur duquel l’obligation de motiver les décisions, est établie, commande que les justiciables, et les accusés en particulier, ne doutent pas du fait que le juge saisi d’une affaire a apprécié les témoignages et la crédibilité des témoins de façon rigoureuse, impartiale et à l’abri de toute influence indue.

Or, en l’espèce, le jugement entrepris ne respecte pas ces exigences. Les motifs du jugement dénotent une confusion qui entache l’intelligibilité du raisonnement du juge. En effet, lors du prononcé du jugement, celui-ci a importé sans réserve et mot pour mot l’extrait de la plaidoirie écrite de la poursuite concernant la question cruciale de la crédibilité de l’appelant. Le jugement n’offre pas la garantie que le juge s’est formé une opinion de façon indépendante en ce qui concerne les contradictions dans la preuve et les questions en litige sous chacun des chefs d’accusation. De plus, la référence du juge au «comportement» de l’appelant lors de son témoignage laisse encore davantage dubitatif.

En présence de telles versions contradictoires en ce qui concerne tous les événements délictuels, le juge devait indiquer au moyen d’une analyse suffisante et compréhensible comment il avait tranché les questions par rapport à l’ensemble de la preuve, plutôt que de se limiter à arbitrer un concours de crédibilité. Enfin, sa décision d’ordonner l’arrêt des procédures sous le chef no 11, et ce, en raison de la déclaration de culpabilité sous le chef no 8, est discutable dans la mesure où ces chefs concernent des gestes qui, bien qu’ils soient survenus peu de temps l’un après l’autre, sont distincts dans le temps et par leur nature.

Par ailleurs, le jugement ne contient aucune présentation des 3 volets du cadre d’analyse établi dans R. c. W. (D.), (C.S. Can., 1991-03-28), SOQUIJ AZ-91111043, J.E. 91-603, [1991] 1 R.C.S. 742, et ce, malgré les contradictions entre les témoignages, ni une analyse sérieuse de celles qui ressortent du témoignage de la plaignante, de ses déclarations antérieures aux policiers ou de la comparaison avec le témoignage de sa belle-mère. Le juge a noté certaines de ces contradictions, mais rien ne permet de comprendre comment il a procédé pour les régler en défaveur de l’appelant. Le juge ne pouvait analyser de façon défavorable la crédibilité de l’appelant dans le cadre de son examen du premier chef d’accusation, lequel porte sur un événement survenu en 2007, et décider ainsi du sort de la crédibilité de ce dernier aux fins de l’analyse de chacun des autres chefs d’accusation. Ce faisant, il semble avoir imposé à l’appelant le fardeau de réfuter la version de la plaignante. Le juge s’est également montré expéditif au moment de décrire la grille d’analyse ou les principes applicables à l’appréciation des versions contradictoires, ce qui ajoute à l’insuffisance de sa motivation.

Enfin, le juge a fait valoir certains aspects de la vie de l’appelant qui laissent croire que des préjugés défavorables relatifs à ses habitudes de vie et des éléments sans rapport avec les questions en litige ont aussi alimenté sa réflexion générale sur la crédibilité de ce dernier.

L’ensemble de ces considérations fait en sorte que le juge aurait dû procéder à une analyse en fait et en droit. Or, le jugement entrepris ne révèle pas une telle analyse, et le cumul des questions insolubles que soulève le jugement justifie d’ordonner la tenue d’un nouveau procès.

Instance précédente : Juge Marc E. Grimard, C.Q., Chambre criminelle et pénale, Rouyn-Noranda (Rouyn), 600-01-017164-190, 2020-12-22.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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