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22 Sep 2023

Sommaire de la Cour d’Appel: Re Imanpoorsaid, 2023 QCCA 1111

Par SOQUIJ, Intelligence juridique

PERSONNES : La preuve établissant que la personne déclarée décédée est toujours en vie participe du retour de celle-ci et peut être suffisante pour obtenir l’annulation d’un jugement déclaratif de décès, comme en l’espèce.

2023EXP-2184*** 

Intitulé : Re Imanpoorsaid, 2023 QCCA 1111

Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal

Décision de : Juges Geneviève Marcotte, Marie-Josée Hogue et Jocelyn F. Rancourt

Date : 6 septembre 2023

Références : SOQUIJ AZ-51966489, 2023EXP-2184 (15 pages)

Résumé

PERSONNES — divers — jugement déclaratif de décès — demande d’annulation — interprétation de «retour» (art. 97 et ss. C.C.Q.) — fardeau de la preuve — preuve tendant à établir que la personne déclarée décédée est en vie — appréciation de la preuve — absence de témoignage du conjoint — inférence négative — recevabilité de la preuve — acte d’un officier public étranger compétent — acte semi-authentique — registre de l’état civil — rectification — intérêt public — appel.

PROCÉDURE CIVILE — notification (signification) — mode spécial de signification — demande d’annulation — jugement déclaratif de décès — omission de signifier la demande à la personne déclarée décédée — absence de préjudice.

INTERPRÉTATION DES LOIS — intention du législateur — interprétation téléologique — résultat absurde — interprétation large — interprétation de «retour» (art. 97 et ss. C.C.Q.).

PREUVE — écrit — acte semi-authentique — acte d’un officier public étranger compétent recevabilité de la preuve — contestation — article 262 C.P.C. — absence de déclaration sous serment.

PERSONNES — actes de l’état civil — rectification — acte de décès — demande d’annulation — jugement déclaratif de décès — interprétation de «retour» (art. 97 et ss. C.C.Q.) — fardeau de la preuve — preuve tendant à établir que la personne déclarée décédée est en vie — intérêt public.

PROCÉDURE CIVILE — frais de justice (dépens) — dérogation à la règle générale — frais d’expert — demande d’annulation — jugement déclaratif de décès — absence d’abus de procédure — pouvoir discrétionnaire.

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant annulé un jugement déclaratif de décès. Accueilli en partie. Requête en déclaration d’abus. Rejetée. Appel d’un jugement déclaratif de décès rendu par la Cour supérieure. Sans objet.

Le 1er décembre 2017, un jugement a déclaré qu’Imanpoorsaid était décédé le 20 février 2015, soit 7 ans après que son épouse, Riddle, l’eut vu pour la dernière fois. En 2006, il avait souscrit une police d’assurance-vie auprès de la compagnie d’assurances Ivari. Le 29 novembre 2021, la juge de première instance a annulé le jugement déclaratif de décès. Elle a également rejeté une demande de Riddle en abus pour manquements importants dans le cadre de la procédure et l’a condamné aux frais de justice, y compris ceux de l’expert d’Ivari.

Décision
Il aurait peut-être été prudent pour Ivari de tenter de signifier à Imanpoorsaid sa demande en annulation du jugement qui l’avait déclaré décédé, mais la juge a eu raison de considérer que l’omission de le faire ne justifiait pas le rejet de sa demande. En effet, l’absence de connaissance par Imanpoorsaid de la demande ne peut lui avoir causé un préjudice puisque, si la demande lui avait été signifiée, soit il ne serait pas intervenu à l’instance, soit il serait intervenu et, dans les 2 cas, le jugement aurait été le même.

Quant à la notion du terme «retour», qui se trouve aux articles 97 et ss. du Code civil du Québec, elle doit être entendue non seulement du retour de la personne déclarée décédée au domicile qui était le sien au moment de sa disparition, mais également de la preuve établissant qu’elle est toujours vivante, bien qu’elle ne soit pas physiquement de retour. Il serait contraire à l’esprit du chapitre quatrième (art. 103 à 152.1) du Code civil du Québec, portant sur le registre de l’état civil, que celui-ci ne soit pas rectifié alors qu’une personne déclarée décédée est vivante. Pour respecter l’objet de la loi, il est donc nécessaire que le terme «retour» soit interprété largement afin d’inclure le cas où une preuve établit l’existence de la personne déclarée décédée, peu importe où elle se trouve et qu’elle soit ou non physiquement de retour. Une telle preuve doit pouvoir donner ouverture à l’annulation du jugement déclaratif de décès et, de façon corollaire, à la rectification du registre de l’état civil.

Interpréter restrictivement la notion de «retour» en exigeant que la personne déclarée décédée revienne physiquement, même si des éléments probants établissent qu’elle est vivante, ouvrirait la porte à des situations absurdes et contraires au bon sens et équivaudrait à permettre d’éluder la loi. Ainsi, la preuve établissant que la personne déclarée décédée est toujours en vie participe du «retour» de celle-ci et peut-être suffisante pour obtenir l’annulation d’un jugement déclaratif de décès.

En l’espèce, la preuve administrée devant la juge, qui est forte et convaincante, démontre qu’Imanpoorsaid est presque certainement toujours vivant, ce qui est suffisant. Enfin, Ivari ayant l’obligation de démontrer que ce dernier est vivant pour obtenir l’annulation du jugement déclaratif de décès et ayant choisi de faire cette preuve au moyen de documents provenant des autorités iraniennes, elle aurait dû engager les frais de son expert, même si Riddle n’avait pas contesté sa demande. Il paraît donc juste de faire supporter à chacune des parties ses propres frais d’expert.

En l’espèce, la preuve administrée devant la juge, qui est forte et convaincante, démontre qu’Imanpoorsaid est presque certainement toujours vivant, ce qui est suffisant. En outre, la Cour s’estime autorisée à tirer une inférence du choix de Riddle de ne pas témoigner pour indiquer que la personne paraissant sur les photographies des documents provenant des autorités iraniennes ne serait pas son époux.

Par ailleurs, la juge n’a pas erré lorsqu’elle a déterminé que Riddle avait omis de contester le caractère semi-authentique des documents des autorités iraniennes en ne produisant pas la déclaration sous serment prévue à l’article 262 du Code de procédure civile. La juge n’a pas non plus commis d’erreur en concluant que ces documents provenaient d’un officier public étranger compétent et qu’ils constituaient des actes semi-authentiques.

En revanche, comme Ivari avait l’obligation de démontrer qu’Imanpoorsaid était vivant pour obtenir l’annulation du jugement déclaratif de décès, et puisqu’elle a choisi de faire cette preuve au moyen de documents provenant des autorités iraniennes, elle aurait dû engager les frais liés à son expert même si Riddle n’avait pas contesté sa demande. Il paraît donc juste de faire supporter à chacune des parties ses propres frais d’expert.

Instance précédente : Juge Yves Poirier et juge Geeta Narang, C.S., Montréal, 500-14-049957-160, 2017-12-01 et 2021-11-29, 2017 QCCS 6433 et 2021 QCCS 4977, SOQUIJ AZ-51821447 et SOQUIJ AZ-51813307.

Réf. ant : (C.S., 2017-12-01), 2017 QCCS 6433, SOQUIJ AZ-51821447; (C.A., 2018-10-19), 2018 QCCA 1899, SOQUIJ AZ-51544536; (C.S., 2021-11-29), 2021 QCCS 4977, SOQUIJ AZ-51813307, 2022EXP-260.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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