Propos désobligeants: la Chambre de la sécurité financière déclare un conseiller financier coupable
Par Olga Grytsak, Avocate
Le 26 juillet 2024, dans Chambre de la sécurité financière c. Steve Landry, 2024 QCCDCSF 9, le Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière a rendu une décision importante concernant le comportement des professionnels assujettis au Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (ci-après le « Code »). Les conseillers en sécurité financière doivent s’abstenir de tenir des propos désobligeants, bien qu’ils désirent exprimer un profond désaccord. Ce devoir découle de l’obligation déontologique de dignité et de modération.
Contexte
Monsieur Steve Landry, un jeune conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective, a tenu, dans des échanges de textos, des propos désobligeants discréditant ainsi les compagnies d’assurance et les banques. Notamment, il a écrit que « Nous sommes les justiciers sur le marché qui expliquons aux familles où qu’ils se font avoir auprès des banques et compagnies d’assurances ».
Le Comité de discipline (ci-après- le « Comité ») l’a déclaré coupable d’avoir contrevenu aux articles 6 et 32 du Code. Comme le chef d’infraction est rattaché à deux articles législatifs distincts, et compte tenu du principe interdisant les condamnations multiples, le Comité a sanctionné uniquement en vertu de l’article 32.
La décision
Le Comité doit répondre principalement à la question:
La recommandation commune des parties déconsidère-t-elle l’administration de la justice ou est-elle contraire à l’intérêt public?
Les parties ont déposé une recommandation commune quant à la sanction: une amende de 2 500 $ et que les frais et débours soient assumés par M. Landry. Cette sanction se situe légèrement au-dessus de la fourchette des sanctions imposées pour des infractions similaires.
Le Comité rappelle que :
« [14] Un représentant peut désapprouver le comportement des différents assureurs et/ou institutions financières sans être automatiquement passible d’un blâme. Toutefois, les commentaires se doivent d’être rédigés avec respect, et ce, même s’ils expriment un profond désaccord. Une critique peut être constructive. »
Le Comité note que M. Landry a collaboré durant l’enquête, qu’il a plaidé coupable, qu’il n’a pas d’antécédent disciplinaire, qu’il était en début de carrière, que les gestes posés n’ont provoqué aucun préjudice financier et qu’il exprime un certain regret. Conséquemment, il conclut que la recommandation commune des parties ne déconsidère pas l’administration de la justice et qu’elle n’est pas contraire à l’intérêt public.
Finalement, le Comité accorde à M.Landry un délai de dix mois à compter du 31e jour suivant la notification de la décision pour le paiement de ladite amende en dix versements consécutifs et égaux.
Conclusion
Bien que le droit à la liberté d’expression soit fondamental, le professionnel en sécurité financière est assujetti aux obligations déontologiques relatives à la communication édictées par le Code.
Il est essentiel de souligner que même si le message était privé, le Comité a imposé une sanction au professionnel. Il ressort de cette approche que l’identité du destinataire du message n’est pas pertinente. Notamment, le Conseil de discipline du Barreau, dans sa décision assez récente, n’a pas retenu l’argument de l’avocate selon lequel le courriel avec les propos désobligeants était destiné à son client et non l’adjointe du juge[1].
Ces décisions illustrent que le comportement d’un professionnel doit inspirer la confiance du public.
Le texte intégral de la décision est disponible ici.
Lisez davantage sur le sujet ;
[1] Barreau du Québec (syndic adoint) c. Sanderson, 2024 QCCDBQ 79
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